Avis 20231922 Séance du 11/05/2023

Maître X, conseil de Monsieur X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 30 mars 2023, à la suite du refus opposé par la cheffe de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) à sa demande de communication de documents suivants, relatifs au rapport provisoire de l’IGESR relatif au pilotage de la Fédération française de football et au respect des obligations qui s’y attachent : 1) la lettre de saisine adressée par la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques à la cheffe du service de l’IGESR ; 2) la note d’étape sur le déroulement de la mission adressée à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques le 6 décembre 2022 ; 3) les comptes rendus d’auditions de Monsieur X du X ; 4) les comptes rendus d’auditions des témoins visés en pages 16 et 17 du rapport provisoire qui auraient témoigné d’agissements et/ou « comportements sexistes » ainsi que les comptes rendus des auditions tenues postérieurement à l’envoi du rapport provisoire ; 5) les comptes rendus d’auditions des témoins entendus par la mission qui seraient « relatifs à des agissements de Monsieur X susceptibles de recevoir une qualification pénale » (page 17 du rapport provisoire) ; 6) les SMS, messages et enregistrements visés en page 17 du rapport provisoire ; 7) et plus généralement, tous les documents recueillis par la mission d’inspection pour établir son rapport provisoire ; 8) les comptes rendus de toutes les auditions qui auraient pu intervenir depuis la remise du rapport provisoire. A titre liminaire, la commission rappelle que les rapports d'audit et autres diagnostics demandés par une personne publique ou une personne privée chargée d’une mission de service public, dans le cadre de l’exercice de cette mission, revêtent le caractère de documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve, d’une part, qu’ils soient achevés, c'est-à-dire en l'espèce qu’ils aient été remis à leur commanditaire et, d’autre part, qu'ils soient dépourvus de caractère préparatoire. Elle précise que de tels rapports ne peuvent revêtir un caractère préparatoire, au sens des dispositions du livre III du code précité, que lorsqu'ils sont destinés à éclairer l'autorité administrative en vue de prendre une décision administrative déterminée et que cette décision n’est pas encore intervenue, ou que l’autorité administrative n’a pas manifestement renoncé à la prendre. Dans un tel cas, le caractère préparatoire d’un rapport s’oppose en principe à la communication immédiate de l’ensemble de son contenu, à moins, toutefois, que les éléments de ce rapport préparant une décision ultérieure ne soient divisibles de ses autres développements. Cette communication ne peut, enfin, intervenir que sous réserve de l’occultation ou de la disjonction des passages qui porteraient atteinte à l’un des intérêts protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, en particulier, de ceux qui porteraient une appréciation ou un jugement de valeur sur des tiers nommément désignés ou facilement identifiables, et de ceux qui feraient apparaître d'une personne un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. En l’espèce, la commission relève d’abord que la mission de l’IGESR relative au pilotage de la FFF a donné lieu à un rapport définitif, dont une synthèse a été publiée le 15 février 2023, de sorte que les documents sur lesquels portent la demande de communication revêtent un caractère achevé. En réponse à la demande qui lui a été adressée, la ministre a indiqué à la commission que le rapport et les pièces avaient été transmises à l’autorité judiciaire dans le cadre d’un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. La commission rappelle que le f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente ». Elle souligne, que le Conseil d’État a jugé, dans sa décision du 21 octobre 2016 n° 380504, que si la seule circonstance que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle, ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance engagée devant elle, ne fait pas obstacle à la communication de ces documents, cette communication est en revanche exclue, sauf autorisation donnée par l’autorité judiciaire ou par la juridiction administrative compétente, dans l’hypothèse où elle risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de cette autorité ou de cette juridiction. Le Conseil d'État a considéré, à cet égard, qu'il résulte des articles 40 et 41 du code de procédure pénale que, dès lors qu’un document administratif a été transmis au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, il appartient à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l’être, afin de déterminer, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité. En l’absence d’information sur les suites données ou susceptibles d’être données à la transmission par la ministre à la procureure de la République, il n’apparaît pas à la commission que la communication des documents sollicités serait de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures Enfin, la commission souligne qu’elle considère, sur le fondement du 3° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration que les documents tels que les lettres de signalement ou de dénonciation adressées à une administration, dès lors que leur auteur est identifiable et que cet auteur n'est pas un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par le signalement ou la dénonciation en question. A défaut de pouvoir rendre impossible l'identification de leur auteur, l'intégralité de ces propos doit être occultée. Lorsqu'une telle occultation conduirait à priver de son sens le document sollicité, sa communication doit être refusée. En revanche, la commission estime qu’eu égard tant à l’objet du droit d’accès prévu par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration, qu’à la portée de l'article L311-6, qui tend à la protection des intérêts légitimes des personnes privées, la communication d’un document administratif ne saurait être refusée au seul motif qu’il ferait apparaître, de la part d’une administration ou d'un organisme privé chargé d'une mission de service public, dans le cadre de l'exercice de leur mission de service public, un comportement dont la divulgation pourrait leur porter préjudice. Les passages de ces rapports qui procèderaient à une évaluation critique du fonctionnement du service public, ne mettant pas en cause à titre personnel des tiers, ne sauraient ainsi être regardés comme portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne et n'ont pas à être occultés. La commission, qui n’a pas pu prendre connaissance des documents sollicités, émet par suite un avis favorable à la communication des comptes rendus et pièces mentionnés aux points 4) à 8), à la condition que l’identification des auteurs de témoignage puisse être rendue impossible. Elle émet également un avis favorable à la communication des comptes rendus d’auditions de Monsieur X, visés au point 3) de la demande, après occultation des éventuelles mentions dont la communication révélerait le comportement de tiers dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice. Elle émet enfin un avis favorable à la communication des documents mentionnés aux points 1) et 2), qui compte tenu de leur objet, n’apparaissent pas susceptibles de comporter des mentions relevant de secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.