Avis 20231879 Séance du 11/05/2023

Maître X, pour le cabinet X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 mars 2023, à la suite du refus opposé par la cheffe de l’inspection générales des affaires sociales (IGAS) à sa demande de communication du rapport traitant de la gestion de la crise sanitaire par le Gouvernement, achevé en novembre 2020. En l’absence de réponse exprimée par la cheffe de l'IGAS à la date de sa séance, la commission estime que la réponse à apporter dépend du rapport réellement visé par la demande de Maître X, qu'il ne lui est pas possible de déterminer en l'état des seuls éléments portés à sa connaissance. 1. D'une part, si la demande de Maître X vise le rapport de l’IGAS intitulé « Retour d’expérience du pilotage de la réponse à l’épidémie de COVID-19 par le ministère des solidarités et de la santé », la commission constate qu'un tel document est disponible sur le site internet de l'IGAS à l'adresse : https://www.igas.gouv.fr/Retour-d-experience-du-pilotage-de-la-reponse-a-l-epidemie-de-COVID-19-par-le.html. La commission rappelle qu'en application du quatrième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, le droit à communication des documents administratifs ne s'exerce plus lorsque les documents sollicités font l'objet d'une diffusion publique. Dès lors, le document demandé ayant ainsi fait l'objet d'une diffusion publique, au sens de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, la demande présentée par Maître X est irrecevable. 2. D'autre part, si la demande de Maître X vise un rapport distinct de l’IGAS, réalisé à l’été 2020 et portant notamment sur la coordination et l’intervention de Santé publique France, la commission rappelle, en premier lieu, qu’un rapport d’enquête ou un audit réalisé par ou à la demande de l'autorité responsable d'un service public est un document administratif au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, communicable à toute personne qui en fait la demande en vertu de l'article L311-1 de ce code, à la condition qu’il ne revête pas ou plus un caractère préparatoire et sous réserve des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6. La circonstance qu’un exemplaire d’un tel rapport établi par une autorité administrative ait été transmis à l’autorité judiciaire ne suffit pas à lui faire perdre son caractère de document administratif. En l’espèce, la commission observe que le rapport de l’IGAS, qui a été élaboré dans le cadre d’une mission administrative d’inspection et non à l’intention ou à la demande de l’autorité judiciaire, revêt un caractère administratif et ce, alors même qu'il a été remis à la commission d’instruction de la Cour de justice de la République. La commission rappelle, en second lieu, qu’aux termes du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente ». Elle souligne que la seule circonstance qu'un document administratif se rapporte à une procédure en cours devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou administratif ne saurait par elle-même faire obstacle à sa communication sur le fondement du droit d'accès aux documents administratifs, et ce même s’il a été transmis à l’autorité judiciaire et coté au dossier d’instruction du juge pénal (CE, 5 mai 2008, n° 309518) et même si la communication du document serait de nature à affecter les intérêts d'une partie à la procédure (CE, 16 avril 2012, n° 320571), qu'il s'agisse d'une personne publique ou de toute autre personne. Ce n’est, en effet, que dans l’hypothèse où cette communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de l'autorité judiciaire ou de la juridiction que la communication d'un document administratif peut être refusée en application du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration. Tel peut être le cas lorsque la communication est de nature à porter atteinte au déroulement de l’instruction, entrave ou complique l'office du juge ou encore retarde le jugement d'une affaire (conseil n° 20092608 du 18 juillet 2009). Lorsqu’un document administratif a été transmis à l’autorité judiciaire, il appartient à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l’être, afin de déterminer, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 30 décembre 2015, n° 372230 et CE, 21 octobre 2016, n° 380504). Elle souligne que la circonstance que le rapport de l’IGAS sollicité, produit dans le cadre d'une procédure engagée devant la Cour de justice de la République, soit en l’espèce couvert par le secret de l’instruction en vertu de l’article 11 du code de procédure pénale ne justifie pas légalement, par elle-même, un refus de communication sur le fondement de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration. Toutefois, comme elle l'a estimé dans son avis n° 20230252 du 9 mars 2023, elle considère, en l’état des informations portées à sa connaissance, que le risque que la communication, à ce stade, du rapport sollicité interfère avec la procédure juridictionnelle en cours présente un caractère suffisant de vraisemblance. Elle estime ainsi que la communication du document sollicité serait de nature à faire craindre une atteinte au déroulement d’une procédure juridictionnelle au sens du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet en conséquence un avis défavorable à la demande.