Avis 20231734 Séance du 11/05/2023

Madame X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 mars 2023, à la suite du refus opposé par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-3 du code du patrimoine, dans le cadre de la rédaction d'un rapport commandé par la délégation de la Commission européenne en Ukraine, d’une note diplomatique relative à un débat public du 30 janvier 2020 sur la réforme de l'administration publique ‐ décentralisation en Ukraine, NDI 2020 0058 394 du 31 janvier 2020, conservé par les archives diplomatiques. La commission rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, en application du 1° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents dont la communication serait susceptible de porter atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France ne sont pas communicables avant l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans à compter de leur élaboration ou de la date du document le plus récent figurant dans le même dossier, ou, en vertu du 3° des mêmes dispositions, de cinquante ans s’ils touchent aux intérêts fondamentaux de la politique extérieure. La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En réponse à la demande qui lui a été adressée, la ministre de l’Europe et des affaires étrangères a indiqué avoir depuis lors autorisé la communication partielle du document sollicité, après occultation des mentions susceptibles de porter atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France et aux intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de sa politique extérieure. La commission n’a toutefois pas pu s'assurer de la consultation effective du document selon ces modalités, de sorte qu’elle ne peut déclarer la demande sans objet. Elle émet en conséquence un avis favorable à la demande dans cette mesure, s’il n’a pas déjà été procédé à cette communication. Pour ce qui concerne en revanche les mentions occultées, si l’intérêt de la recherche de Madame X ne fait pas de doute, la commission relève que le document demandé constitue une analyse des institutions d’un pays actuellement touché par un conflit armé toujours en cours et présente à ce titre une sensibilité particulière. Elle estime, par conséquent, que la communication de ces mentions serait susceptible de porter atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France. Elle émet par suite un avis défavorable sur ce point de la demande.