Avis 20231658 Séance du 20/04/2023

Monsieur XX, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 mars 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général d'EDF à sa demande de communication des informations suivantes relatives aux équipements nucléaires fabriqués au sein de l'usine Xi : 1) les pièces fabriquées dans l'usine Tectubi en Italie sont ou vont-elles être utilisées pour remplacer des parties des circuits RIS (d'injection de sécurité) dans la centrale de Cattenom ? ; 2) si oui, dans quels réacteurs ces pièces sont ou vont être utilisées ? ; 3) ces pièces correspondent-elles aux normes et réglementations en vigueur ? La commission, qui a pris connaissance de la réponse du directeur général d'EDF à la demande qui lui a été adressée, rappelle, à titre liminaire, qu'Électricité de France avait depuis sa création par la loi du 8 avril 1946 le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) pour devenir, avec l'entrée en vigueur de la loi du 9 août 2004, une société de droit privé chargée d'une mission de service public. Les documents produits ou reçus par EDF dans le cadre de ses missions de service public, tant en tant qu'EPIC comme en tant que société anonyme, doivent dès lors être regardés comme des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, soumis comme tels au droit d'accès prévus par le livre III de ce code. La commission rappelle que, selon les articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. En outre, il résulte du 1° du I de l'article L124-4 du code de l'environnement que, saisie d'une demande relevant du champ d'application des dispositions des articles L124-1 à L124-3, l'autorité compétente, après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, peut rejeter la demande d'une information relative à l'environnement dont la consultation ou la communication porte notamment atteinte aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° de l'article L. 311-5, et au nombre desquels figure le secret des affaires. La commission souligne ensuite qu'en vertu des dispositions du II de l'article L124-5 du code, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des « émissions de substances dans l'environnement » que dans le cas où sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que l'autorité administrative en refuse la communication au motif qu'elles comporteraient des mentions couvertes par le secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles. Il s’apprécie en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public est soumise à la concurrence, et eu égard à la définition donnée à l’article L151-1 du code de commerce. Aux termes de cet article est protégée par le secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : « (…) 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. ». La commission précise que les dispositions de l’article L124-5 du code de l’environnement doivent être interprétées, conformément aux dispositions de la directive du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, comme visant toute information relative à des émissions dans l’environnement. Enfin, la commission rappelle qu'en vertu de l'article L125-10 du code de l'environnement, toute personne a le droit d'obtenir, auprès de l'exploitant d'une installation nucléaire de base, les informations qu'il détient et qui portent sur les risques ou inconvénients que l'installation peut présenter pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l'environnement, et sur les mesures prises pour prévenir ou réduire ces risques ou inconvénients, dans les conditions définies aux articles L124-1 à L124-6 du même code. La jurisprudence (CE, 15 mars 2023, Association Réseau Sortir du nucléaire, n° 456871) a précisé qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la communication des informations mentionnées à l'article L125-10 du code de l'environnement concernant une installation nucléaire de base est régie notamment par les articles L124-4 et L124-5. Ainsi, la sécurité publique et le secret des affaires sont au nombre des motifs pour lesquels l'exploitant peut refuser, après une appréciation au cas par cas de son intérêt, la communication de telles informations. Par exception, le secret des affaires n'est pas opposable lorsque les informations demandées se rapportent à des émissions dans l'environnement effectives ou prévisibles dans des conditions normales ou réalistes de fonctionnement de l'installation, ce qui n'est pas le cas des émissions susceptibles de résulter d'un accident éventuel, lesquelles présentent un caractère purement hypothétique. La commission relève, au cas présent, que les informations demandées par Greenpeace Luxembourg concernent des équipements de sécurité destinés à être installés dans des installations nucléaires et dont la finalité, dans des conditions normales d’utilisation, est d’assurer le confinement des substances radioactives. Elle en déduit qu‘une émission de substances dans l’environnement provenant de ces équipements présente nécessairement un caractère hypothétique, dès lors que leur fonctionnement régulier a précisément pour objet de faire obstacle à de telles émissions et que leur survenance ne pourrait résulter que d'un accident ou d'un dysfonctionnement de ceux-ci. Par suite, ces informations relèvent du champ d'application, non pas des dispositions du II de l'article L124-5 du code de l'environnement, mais de celles de l'article L124-4 de ce code, en vertu desquelles le secret des affaires peut faire échec à leur communication. La commission relève toutefois que la demande tend en l'espèce uniquement à obtenir des informations sur la destination de pièces relatives à des équipements nucléaires, fabriquées dans l'usine Xi ainsi que sur le respect par ces pièces des normes et de la réglementation en vigueur. Elle estime que la demande ainsi formulée, qui ne porte pas sur des données économiques et financières, n'a pas pour effet de révéler les procédés techniques et le savoir-faire particuliers développés par cette usine, ni davantage de refléter sa stratégie commerciale ou celle d'EDF. Elle en déduit que ces informations ne sont pas couvertes par le secret des affaires, au sens des dispositions précitées. Elle émet, dès lors, en l'espèce, un avis favorable à la demande.