Avis 20231636 Séance du 11/05/2023
Monsieur X, pour le collectif « X », a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 mars 2023, à la suite du refus opposé par le directeur de Cristal Habitat à sa demande de communication, concernant les immeubles des Lozières, des Fontanettes, des Granges, de la Serpolière, de la Doria/Vérel et des Grandes Côtes, dans le cadre du nouveau projet de rénovation urbaine - nord des Combes à Chambéry-le-Haut, des éléments d'information suivants :
1) construction :
a) la date de la construction de l'immeuble ;
b) le coût total de la construction ;
c) le montant et la durée des prêts ;
d) les subventions reçues et leur origine ;
2) travaux :
a) les travaux réalisés depuis la construction et leur nature ;
b) le coût total des travaux réalisés ;
c) le montant et la durée des prêts ;
d) les subventions reçues et leur origine ;
3) amortissements pratiqués : le montant des dotations aux amortissements du bâti et des travaux réalisés et le détail de leur durée ;
4) loyers et charges :
a) le montant des loyers encaissés en mars ;
b) le montant des charges locatives encaissées.
A titre liminaire, la commission rappelle que les documents produits ou reçus par une personne de droit privé revêtent le caractère de documents administratifs, au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration si, d’une part, cette personne exerce une mission de service public et si, d’autre part, les documents sollicités présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public qui lui est confiée (CE, 17 avr. 2013, n° 342372, aux T).
Elle relève que le Conseil d’État, dans sa décision de Section du 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, n° 264541, a jugé qu’indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public. Même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission.
La commission, observe, en l'espèce, qu'il ressort des informations librement accessibles, que Cristal Habitat est une société d'économie mixte locale à conseil d'administration soumise aux règles applicables aux sociétés anonymes et aux articles L1521-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. Née de la mutualisation progressive de deux organismes historiques du bassin chambérien, Chambéry Alpes Habitat, et la société anonyme immobilière d'économie mixte de Chambéry, son actionnariat est composé, de la communauté d'agglomération Grand Chambéry à hauteur de 52,6 %, de la ville de Chambéry à hauteur de 26,7 %, de la Caisse des dépôts et consignations de 19,6 %, de la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie à hauteur de 0,7 % et de la Caisse d'épargne Rhône-Alpes à hauteur de 0,5 %. Elle se présente sur son site internet comme étant un opérateur majeur au service du renouvellement urbain des quartiers, des centres-bourgs comme des centres villes et de la gestion du logement social et, plus largement, comme exerçant ses activités dans les domaines de l'habitat, de l'aménagement et du renouvellement urbain. Dans ce but, elle est notamment l'acteur principal du renouvellement urbain et architectural des quartiers de Bellevue, du Biollay et des Hauts de Chambéry, en ce qui concerne le réinvestissement ainsi que l'organisation de coopérations pluridisciplinaires et interservices pour la conduite d’actions de proximité, de prévention et sécurité, de propreté ou d’entretien, pour promouvoir une densité urbaine maîtrisée et confortable. Compte tenu de l’enjeu patrimonial que représentent ces opérations de renouvellement urbain pour son avenir, Cristal Habitat indique s’impliquer dans le pilotage et la mise en œuvre de ces projets de quartier aux côtés des collectivités et de l’État.
La commission déduit de ces éléments que Cristal Habitat doit être regardée, dans le cadre de la mise en œuvre de l'opération de réhabilitation des immeubles du Cœur de Cité de Bellevue, comme une personne privée chargée d’une mission de service public au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Dès lors, les documents produits ou reçus dans le cadre de cette mission revêtent le caractère de documents administratifs.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur de Cristal Habitat a informé la commission que les projets de réhabilitation sur lesquels les documents demandés portent, avaient des états d’avancement différents.
S’agissant des projets de réhabilitations relatifs aux résidences des Granges, Doria et Les Grandes Cotes, le directeur de Cristal Habitat a indiqué qu’ils ne sont qu’en phase d’étude ou de consultation des entreprises. S’agissant, par ailleurs, du projet de Serpolière, il a indiqué qu’il était décalé à moyen terme. La commission en déduit que, pour ces projets, les documents mentionnés aux points 1), 2), 3) et 4) sont inexistants. Elle ne peut, dans cette mesure, que déclarer la demande d’avis sans objet sur ces points.
S’agissant des projets de réhabilitation relatifs aux résidences des Lozières et Fontanettes, le directeur de Cristal Habitat indique que le bilan financier de ces opérations n’avait pas encore été dressé. La commission estime toutefois que ce document, qui correspond aux documents mentionnés au point 2) ainsi que les documents mentionnés aux points 1) et 3) sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation des mentions couvertes par le secret des affaires, en application de l'article L311-6 du même code.
S’agissant des documents mentionnés au point 4), la commission estime que le montant global des loyers collectés et des charges locatives sont communicables à un tiers dès lors qu’ils relèvent de la mission de service public de la société Cristal Habitat en matière de logement social et sous réserve qu'ils puissent être obtenus par un traitement informatique d'usage courant. Elle précise, en revanche, que les pièces qui se rapportent aux relations de droit privé entre les offices et les locataires des logements qu’ils gèrent ne constituent pas des documents administratifs. Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable sur ce point.
La commission souligne, enfin, qu'une demande ne peut être considérée comme abusive que lorsqu'elle vise de façon délibérée à perturber le fonctionnement d'une administration. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne de présenter plusieurs demandes à la même autorité publique ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. En l'espèce, il ne lui est pas apparu, compte tenu de la nature des documents demandés, du destinataire de la demande et des éléments portés à sa connaissance, que cette demande présenterait un caractère abusif.