Avis 20231578 Séance du 11/05/2023

Maître X, conseil de X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 février 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines et de l’architecture à sa demande de communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, du document suivant, concernant le défunt père de ses client, conservé au greffe du tribunal de proximité de Colombes, sous la cote : X : Procès-verbal d'audition du 19 février 2019 de Madame X, relatif à la procédure de tutelle de M. X. La commission rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions fixés par l'article L213-2 du même code. La commission précise que les différentes pièces du dossier de tutelle sont couvertes par différents délais de communicabilité applicables aux archives publiques, comme énoncé à l’article L213-2 du code du patrimoine : soit un délai de soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, sous réserve des dispositions particulières relatives aux jugements, et à l'exécution des décisions de justice, soit un délai de cent-vingt ans à compter de la naissance de la personne, ou vingt-cinq ans à compter de son décès, pour les pièces dont la communication porterait atteinte au secret médical, soit un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier pour les pièces dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée. En application de ces délais, le dossier dont la communication est sollicitée n’est pas encore librement communicable. La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II n° 20050939 du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II n° 20215602 du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines et de l’architecture a précisé à la commission que son refus faisait suite au refus exprimé par le greffe du tribunal de proximité de Colombes, dont l’accord préalable est requis, selon les dispositions de l’article L213-3 du code du patrimoine. La commission relève toutefois que Maître X agit dans le cadre du règlement de la succession de Monsieur X et demande la communication d’un document relatif aux diligences effectuées par celle qui était sa tutrice qui auraient pu permettre de limiter la dette successorale. La commission estime que la consultation de ce document revêt un intérêt certain pour cette démarche et observe que le demandeur s’est en outre engagé à ne pas divulguer d’informations protégées par la loi. La commission observe ensuite que le refus opposé par le tribunal de proximité serait fondé sur le seul fait que l’audition en cause n’aurait pas été publique. Elle note enfin que le directeur général des patrimoines et de l’architecture lui a pour sa part indiqué qu’il estimait que la communication de ce document ne porterait pas une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. Dans ces conditions et en l’état des informations dont elle dispose, la commission estime que la consultation du dossier ne porterait pas une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet par conséquent un avis favorable.