Conseil 20231479 Séance du 20/04/2023

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 20 avril 2023 votre demande de conseil relative au caractère abusif, au sens du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, des demandes de communication de documents relatifs à l'attribution de subventions de la part de la commune, formulées par des élus de manière récurrente à chaque conseil municipal, dont le traitement implique une organisation spécifique risquant de perturber le bon fonctionnement du service compte tenu de son périmètre étendu à 378 associations et comprenant pour chacune, les pièces suivantes : 1) les rapports d’activité ; 2) les comptes ; 3) les statuts ; 4) la composition des instances pour les années 2020 à 2022. La commission rappelle qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur le caractère abusif d'une demande présentée par une personne dans le cadre d'une demande de conseil dont l'instruction, par nature, n'est pas contradictoire. Elle se déclare dès lors incompétente. Cependant, elle vous rappelle, à toutes fins utiles, que l'exercice du droit d’accès aux documents administratifs, garanti par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, a valeur constitutionnelle (décision du Conseil constitutionnel n° 2020-834, du 3 avril 2020). Le droit à la communication des documents administratifs s’exerce dans les conditions fixées aux articles L300-2 et L311-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration. Les autorités saisies sont ainsi tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, sous réserve des secrets protégés par la loi. Le droit d’accès doit cependant rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives. La commission rappelle, d’une part, que le droit à la communication des documents administratifs ne se confond pas avec un droit d’accès aux informations contenues dans ces documents et, d'autre part, que le droit d'accès aux documents administratifs est un droit objectif. Elle rappelle, d’autre part, que ni la qualité du demandeur, ni ses motivations ou ses intentions présumées ne peuvent constituer en soi un motif de refus légitime de communiquer des documents librement accessibles (avis n° 20071123 du 22 mars 2007 et n° 20064816 du 9 novembre 2006). La commission souligne que le caractère abusif doit être apprécié pour chaque demande, compte tenu d’éléments circonstanciés. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande ne peut, en effet, être regardée comme abusive que lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou lorsqu'elle aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (CE, n° 420055, 422500, Ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France, 14 novembre 2018). La commission précise en outre que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, n° 426623, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupery du 27 mars 2020). Elle précise aussi que depuis un avis n° 20220207 du 10 mars 2022, elle retient que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620). La commission a déjà eu l’occasion de qualifier d’abusives des demandes, lorsqu’eu égard au nombre, à la variété et à l'imprécision de l’objet des divers documents demandés, compte tenu des recherches qui incomberont nécessairement à l'administration afin d'identifier et de sélectionner les documents susceptibles de satisfaire la demande et des efforts nécessaires à l'occultation préalable des mentions dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par la loi, celles-ci font peser sur l'administration une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (avis n° 20184783 du 17 mai 2019, de partie II ; avis n° 20193811, du 12 mars 2020, de partie II). Elle rappelle que c’est un faisceau d’indices qui permet de qualifier une demande d’abusive. Elle estime que tel peut être le cas des demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, des demandes que le service sollicité est manifestement dans l'incapacité matérielle de traiter, ou encore des demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. La commission relève que cette qualification demeure, toutefois, exceptionnelle. Elle souligne qu’hormis le cas des demandes présentant un caractère abusif, le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication. En revanche, l’administration est fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l'administration est notamment en droit d'inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Alternativement, elle peut convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement des services.