Avis 20231350 Séance du 20/04/2023

Maître X, conseil de l'association X et de Monsieur X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 8 mars 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Buchy à sa demande de communication des documents suivants : 1) la liste électorale réactualisée du bureau de vote numéro 2 ; 2) la répartition et montants des subventions données aux différentes associations pour l’année 2022 ; 3) les pièces relatives au marché de rénovation de l’ancien gymnase et procédure de mise en concurrence ; 4) les pièces justificatives des subventions accordées pour la rénovation de l’ancien gymnase ; 5) les avenants au projet initial concernant la rénovation de l’ancien gymnase incluant le montant des coûts supplémentaires ; 6) les pièces relatives au marché de fourniture et pose des nouvelles fenêtres de l’école René Delahaye de Bosc-Roger-sur-Buchy et procédure de mise en concurrence ; 7) les documents justificatifs des délibérations et des subventions pour l’enfouissement des réseaux sur la commune historique de Bosc-Roger-sur-Buchy ; 8) les documents justificatifs des délibérations et des subventions pour la remise état de la voirie sur la commune historique de Bosc-Roger-sur-Buchy ; 9) la liste de l’ensemble des travaux réalisés de 2017 à 2021 sur les 3 communes historiques ainsi que leur coût ; 10) les documents justificatifs de l’emprunt contracté au crédit agricole par le maire de la commune nouvelle en 2017 pour le financement de la salle des fêtes de Bosc-Roger-sur-Buchy ; 11) les comptes rendus du conseil municipal de la commune nouvelle de Buchy de janvier 2017 à fin 2022 ; 12) les délibérations prises de janvier 2017 à fin 2022 ; 13) le tableau des rémunérations du maire, des maires délégués et des adjoints depuis janvier 2017 à fin 2022. 1. À titre liminaire, la commission, qui a pris connaissance de la réponse du maire de Buchy, rappelle que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. En l'espèce, la commission relève que si la demande porte sur un nombre important de documents, elle est la première présentée par l'association X ou Monsieur X. Il ne ressort pas non plus des éléments portés à la connaissance de l'administration que la demande aurait pour objet de perturber le bon fonctionnement de la mairie de Buchy. Elle ne revêt donc pas un caractère abusif. 2. S'agissant de la liste électorale sollicitée au point 1), la commission indique en premier lieu que la communication des listes électorales est subordonnée à la condition que le demandeur fasse la preuve de sa qualité d'électeur. Elle estime, dans le silence des textes, que la preuve de la qualité d’électeur peut se faire par tout moyen, sans qu’il y ait lieu d’exiger la production d’un titre d’identité ou de la carte d’électeur. Elle considère qu’une attestation sur l’honneur peut suffire, dès lors que le demandeur produit les éléments permettant à l’administration de vérifier l’effectivité de son inscription sur une liste électorale, à savoir ses nom et prénom(s) et le nom de la commune où il allègue être inscrit. La commission précise, en second lieu, que le législateur subordonne l'exercice du droit d'accès aux listes électorales à l'engagement, de la part du demandeur, de ne pas en faire un usage commercial, afin d'éviter toute exploitation commerciale des données personnelles. Elle estime qu’un engagement pris par écrit suffit en principe, qu’il soit formalisé dans un courriel ou dans un courrier sous format papier, pour justifier de cet engagement. Elle relève néanmoins que l'autorité compétente est fondée à rejeter la demande de communication dont elle est saisie s'il existe, au vu des éléments dont elle dispose, nonobstant l'engagement pris par le demandeur, des raisons sérieuses de penser que l'usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial (CE, 2 décembre 2016, n° 388979). La commission considère que le caractère commercial ou non de l’usage des listes s’apprécie notamment au regard de l’objet de la réutilisation envisagée et de l’activité dans laquelle elle s’inscrit, la forme juridique retenue par le demandeur pour poursuivre cet objectif et l'existence ou l'absence de ressources tirées de cet usage constituant à cet égard de simples indices. A cet effet, elle estime qu'il est loisible à l'autorité compétente de solliciter du demandeur qu'il produise tout élément d'information de nature à lui permettre de s'assurer de la sincérité de son engagement, de ne faire de la liste électorale qu'un usage conforme aux dispositions de l'article L37 du code électoral. L'absence de réponse à une telle demande peut être prise en compte, parmi d'autres éléments, par l'autorité compétente afin d'apprécier, sous le contrôle du juge, les suites qu'il convient de réserver à la demande dont elle est saisie. En l'espèce, la commission prend note de l'intention exprimée par le maire de Buchy de procéder à la communication de cette liste à condition que le demandeur justifie de sa qualité d'électeur et atteste sur l'honneur qu'il n'en fera pas un usage commercial. Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande. 3. S'agissant des points 2), 9) et 13) le maire de Buchy a informé la commission que la demande porte sur des documents inexistants. La commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation à l’administration saisie d’une demande de communication de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Ministre d'État, Ministre de l’éducation nationale, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, n° 152393). En revanche, la commission considère de manière constante que sont des documents administratifs existants au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, publié aux Tables, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable, laquelle doit être interprétée de façon objective. La commission précise, à ce titre, que les informations demandées doivent pouvoir être obtenues par un traitement automatisé de données, sans retraitements successifs, en particulier par des interventions manuelles. Elle estime également que, lorsque les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel le fichier informatique dans lequel elles sont contenues a été créé, l'ensemble des informations sollicitées ne peut alors être regardé comme constituant un document administratif existant (avis n° 20222817, 20222850 et 20222936 du 23 juin 2022). Une demande portant sur la communication d'un tel ensemble d'informations doit dès lors être regardée comme tendant à la constitution d'un nouveau document (conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013) et, par suite, être déclarée irrecevable. En l'espèce, la commission comprend que la demande porte sur des informations qui ne sont pas matérialisées dans un document existant et qui ne peut être obtenu au moyen d'un traitement automatisé d'usage courant. En l'état des informations portées à sa connaissance, la commission déclare la demande d'avis irrecevable sur ces points comme tendant à l'élaboration de nouveaux documents, qui ne peuvent être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. 4. S'agissant des points 4), 7) et 8), le maire de Buchy a informé la commission qu'il a invité le demandeur à lister précisément les subventions en cause et leur date d'attribution. La commission relève, toutefois, que l'indication de l'objet des subventions visées aux points 4), 7) et 8) rend en l'état la demande suffisamment précise pour permettre à l'autorité saisie d'y répondre. La commission rappelle en outre qu'il résulte de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 que le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention, la convention qui doit être obligatoirement conclue lorsque la subvention dépasse 23 000 euros, et le compte rendu financier de la subvention doivent être communiqués à toute personne qui en fait la demande par l'autorité administrative ou l'organisme chargé de la gestion d'un service public industriel et commercial mentionné au premier alinéa de l'article 9-1 ayant attribué la subvention ou par les autorités administratives qui détiennent ces documents, dans les conditions prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. La commission estime, en l'état des informations portées à sa connaissance, que la demande doit être analysée comme tendant à la communication des conventions et comptes rendus financiers des subventions visées aux points 4), 7) et 8). Elle émet donc un avis favorable à la communication de ces documents. 5. S'agissant des points 3), 5) et 6) de la demande, la commission estime de même que la demande, qui se rapporte à des projets particuliers, est suffisamment précise. Elle rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan » (n°375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. Elle émet par suite, un avis favorable à la communication des documents sollicités aux points 3), 5) et 6), sous la réserve tenant au secret des affaires. 6. S'agissant du point 10), la commission estime que le document sollicité, identifié avec suffisamment de précision, est librement communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration ou, s'il entre dans le champ de ces dispositions, de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales. La commission émet un avis favorable sur ce point. 7. S'agissant enfin des points 11) et 12), la commission rappelle qu'il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. La commission précise toutefois que si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE, 10 mars 2010, n° 303814, commune de Sète ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620). Elle émet ainsi un avis favorable à la communication des délibérations sollicitées sous réserve de l’occultation des éventuelles mentions relevant de tels secrets. Pour ce qui concerne ensuite les comptes rendus des séances du conseil municipal, la commission considère qu'ils sont communicables à toute personne qui en fait la demande sur le fondement de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration ou, s'ils tiennent lieu de procès-verbaux du conseil municipal, sur le fondement de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales. Elle émet donc un avis favorable à leur communication sous réserve de l’occultation des éventuelles mentions relevant des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, ou s’ils tiennent lieu de procès-verbaux, sous réserve de l’occultation des éventuelles mentions relevant de secrets protégés par la loi.