Conseil 20231074 Séance du 22/06/2023

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 22 juin 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable à un administré des documents relatifs à des procédures de mise en sécurité portant sur deux bâtiments. En premier lieu, la commission vous précise que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, des dossiers de demande d'aide juridictionnelle (CE, 5 juin 1991, n° 102627), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties – c'est-à-dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites – mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, n° 117480). La commission considère toutefois que, si les rapports d'expertises ordonnées par des juridictions constituent en principe des documents juridictionnels, comme tels exclus du champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration, il en va différemment, en vertu du principe d'unité du dossier, lorsque de tels rapports servent de fondement à une décision administrative. La commission estime ainsi que l’ordonnance du tribunal administratif mandatant un expert ainsi que les écritures produites devant le tribunal revêtent un caractère juridictionnel. Le livre III du code des relations entre le public et l’administration ne vous fait donc pas obligation de communiquer ces documents. En revanche, la commission estime que les rapports d’expertise établis à la demande du tribunal administratif constituent des documents administratifs soumis au droit d’accès garanti par le livre III du code des relations entre le public et l'administration dès lors que les mesures conservatoires que vous avez prises, en votre qualité de maire, dans le cadre de la procédure de mise en sécurité prévue par les dispositions des articles L511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, sont fondées sur ces rapports. En deuxième lieu, aux termes de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration : « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (...) 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice (…) ». La commission estime qu’en vertu de ces dispositions, un rapport relatif au danger que présente pour ses occupants l'état d'un immeuble et aux mesures à prendre pour mettre fin à cette situation de péril est en principe communicable dans son ensemble, lorsqu'il ne présente plus le caractère de document préparatoire à une décision administrative qui n'aurait pas encore été prise, tant aux propriétaires qu'aux locataires et, le cas échéant, aux autres occupants de l'immeuble. Dans la mesure, en effet, où l'état d'une partie de l'immeuble a nécessairement des incidences sur l'état des autres parties et où les désordres constatés affectent tant la sécurité de chaque occupant que la conservation des biens de chaque propriétaire, ceux-ci sont directement concernés par l'ensemble du document et présentent ainsi à son égard la qualité de personne intéressée au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Ce n'est que dans le cas où l'état d'une partie de l'immeuble s'avérerait sans rapport avec l'état des autres parties que les constatations faites pourraient être regardées comme divisibles les unes des autres et que le document ne devrait être communiqué à chacun que pour la partie qui le concerne directement. La commission précise qu’elle a également regardé comme ayant la qualité de personne intéressée, au sens de ces dispositions, le propriétaire d’un immeuble mitoyen de celui visé par un arrêté de péril, compte tenu de la configuration des lieux (avis n°202114731 du 2 septembre 2021). En revanche, la commission vous rappelle que la communication de ces documents à une personne qui ne serait pas directement concernée est susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée tant de l'occupant de l'immeuble que de son propriétaire, et est également susceptible de révéler de la part de l'un comme de l'autre un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. En l’espèce, la commission vous invite à ne procéder à la communication des rapports établis par l’expert mandaté par le tribunal administratif, des autres rapports et diagnostics ainsi que des correspondances échangées que dans l'hypothèse où le demandeur pourrait être regardé comme ayant la qualité de personne intéressée au sens des principes qui viennent d’être exposés. En dernier lieu, la commission vous rappelle qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration. La commission précise que les arrêtés de péril pris par le maire d'une commune prescrivent au propriétaire des lieux la réalisation de travaux tendant à restaurer la sécurité publique. Elle estime que de telles indications ne peuvent être regardées comme comportant une appréciation ou un jugement de valeur sur le propriétaire des lieux. Elle considère, par suite, que les arrêtés de périls sont communicables à toute personne qui en fait la demande sur le fondement de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales.