Avis 20230986 Séance du 30/03/2023
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 février 2023, à la suite du refus opposé par le directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale de la Seine-Maritime à sa demande de communication des documents de l’enquête administrative, concernant Madame X, précédemment enseignante à l'école X, diligentée à la suite de son signalement relatif à la situation préoccupante de son fils X, reconnu porteur de handicap X, en particulier :
1) le rapport d'enquête administrative menée en mai 2022 ;
2) le procès-verbal de son témoignage en tant que responsable légal de l'enfant ;
3) les écrits mentionnant son fils, lesquels ont pu être transmis, au vu de son handicap, à d'autres administrations telles la MDPH ;
4) les mentions portées sur son livret de parcours inclusif ou dans le système de collecte informatisé enregistré par la CNIL sous le numéro X.
Pour ce qui concerne les documents mentionnés au point 4) :
En l'absence de réponse du directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale de la Seine-Maritime à la date de sa séance, la commission précise que l’article 6 du décret n° 2021-1246 du 29 septembre 2021 relatif au traitement de données à caractère personnel dénommé « Livret de parcours inclusif » (LPI) régit les droits d'accès, de rectification, à la limitation et d'opposition prévus aux articles 15, 16, 18 et 21 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 auxquels renvoie la loi du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il en va de même de l’article 8 de l’arrêté du 20 octobre 2008 portant création de traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au pilotage et à la gestion des élèves de l'enseignement du premier degré, désormais dénommé « Outil numérique pour la direction d’école » (ONDE), anciennement « Base élèves premier degré ».
La commission souligne qu’elle n’a pas reçu compétence pour connaître des questions relatives à l'accès des personnes aux données à caractère personnel qui les concernent dans des fichiers, questions qui sont exclusivement régies par les dispositions de la loi du 6 janvier 1978. Seuls les tiers, c'est-à-dire les personnes non autorisées à consulter les fichiers en vertu des textes qui les créent, peuvent se prévaloir du livre III du code des relations entre le public et l’administration pour obtenir communication, le cas échéant, des documents extraits de ces fichiers et la saisir pour avis en cas de refus.
La commission constate en l’espèce que dans son courrier du 23 septembre 2022, Madame X a demandé au directeur académique de lui préciser si des mentions relatives à l’enquête administrative en cause sont ou seront mentionnées dans le livret de parcours inclusif de son fils, dans la base ONDE ou toute autre application de gestion en vue de faire application du droit d’accès prévu par le RGPD. En application des principes qui viennent d’être rappelés, la commission ne peut dès lors que se déclarer incompétente pour se prononcer sur ce point de la demande.
Pour ce qui concerne les documents mentionnés au point 3) :
La commission rappelle que, conformément aux dispositions combinées des articles L342-1 et R*311-12 du code des relations entre le public et l’administration, elle ne peut être saisie par une personne qu’en cas de refus opposé par une autorité administrative à une demande de communication d'un document administratif.
La commission constate que dans son courrier du 23 septembre 2022, Madame X a demandé au directeur académique de lui préciser à quelle autre administration le rapport de l’enquête administrative en cause était susceptible d’être communiqué. La commission considère qu’elle n’a, ce faisant, pas sollicité la communication de tout document écrit concernant son fils ou la concernant, tel que mentionné au point 3) de sa saisine. La commission ne peut dès lors que déclarer la demande d’avis irrecevable sur ce point.
Pour ce qui concerne les documents mentionnés aux points 1) et 2) :
La commission rappelle, d’une part, qu’un rapport d’enquête ou un audit réalisé par ou à la demande de l'autorité responsable d'un service public est un document administratif au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, communicable à toute personne qui en fait la demande en vertu de l'article L311-1 de ce code, à la condition qu'il ne revête pas ou plus de caractère préparatoire. La commission précise également qu’un rapport ne peut revêtir un caractère préparatoire au sens de l'article L311-2 du même code, que lorsqu'il est destiné à éclairer l'autorité administrative en vue de prendre une décision administrative déterminée et que cette décision n’est pas encore intervenue, ou que l’autorité administrative n’a pas manifestement renoncé à la prendre à l'expiration d'un délai raisonnable.
Elle rappelle, d’autre part, qu’en application de l'article L311-6 du code, ne sont toutefois communicables qu'à l'intéressé les mentions qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, qui font apparaître un comportement d'une personne physique dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, ou dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée. La communication à un tiers ne peut dès lors intervenir qu’après disjonction ou occultation de ces mentions, et sous la réserve qu’une telle disjonction ou occultation ne conduise pas à priver de son sens le document sollicité.
En l’espèce, la commission estime que le rapport sollicité, à la condition qu’il ne revête plus un caractère préparatoire, est un document administratif communicable, sous les réserves qui viennent d’être rappelées tenant à l’occultation des mentions relatives à des tiers autre que Madame X protégées par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
La commission, qui n’a pas pu prendre connaissance de ce document, émet donc, sous l’ensemble de ces réserves, un avis favorable à sa communication.
La commission rappelle ensuite que les lettres de plainte ou de dénonciation, dès lors que leur auteur est identifiable, ou encore les témoignages recueillis par une administration dans le cadre d’une enquête administrative, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par le document en question.
A défaut de pouvoir rendre impossible l'identification de leur auteur, l'intégralité de ces propos doit être occultée. Lorsqu'une telle occultation conduirait à priver de son sens le document sollicité, sa communication doit être refusée. La commission précise également que lorsqu'il s'agit d'une lettre anonyme, celle-ci n'est communicable à la personne mise en cause que si elle n'est pas manuscrite et que son auteur ne peut pas être identifié. La commission rappelle, enfin, que les documents émanant d'agents d'une autorité administrative dans l'exercice de leur compétence ne sont pas couverts par cette réserve. En effet, l'exception au droit d'accès relative aux documents dont la communication pourrait porter préjudice à leurs auteurs a pour objet de préserver les intérêts des tiers à l'administration et non ceux des autorités administratives.
La commission émet un avis favorable à la demande en tant qu’elle porte sur le témoignage délivré par Madame X lors de l’enquête administrative.