Avis 20230886 Séance du 20/04/2023

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 14 février 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, de deux jugements, datant de 1954 et de 1956 mentionnés dans l'acte de vente de sa maison, et lesquels sont conservés aux Archives départementales de la Gironde sous les cotes suivantes : - 4 U 33 - Justice de paix - Canton de Pessac : - 4 U 33/184 : jugement interlocutoire X et X - 4 U 33/185 : dépôt de procès-verbal de conciliation X et X La commission, qui a pris connaissance de la réponse apportée par le directeur général des patrimoines, prend note de ce que le refus opposé par le directeur général des patrimoines à cette demande est lié à l'absence de réponse de la directrice des services de greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux, dont l'accord préalable est requis en application des dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine, et en application du décret n° 2014-1304 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l'application du principe "silence vaut acceptation". La commission rappelle qu'elle est compétente, en vertu des dispositions de l’article L342-1 du code des relations entre le public et l'administration, pour émettre un avis sur la communication, en application des dispositions des articles L213-1 à L213-3 du code du patrimoine, par les services qui le conservent, des documents sollicités qui constituent des documents d’archives publiques, au sens de l’article L211-1 de ce même code. Elle rappelle ensuite que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, selon le c) du 4° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions deviennent librement communicables à l’expiration d’un délai de soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou d’un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l’intéressé si ce dernier délai est plus bref. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’Etat a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En l'espèce, la commission comprend de la réponse de l'administration des archives que les documents sollicités ne deviendront librement communicables qu'en 2031. Elle constate, toutefois, d'une part, que la directrice des services de greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux a implicitement rejeté sa demande d'autorisation d’accès par dérogation qui lui a été adressée sans expliciter son motif de refus. Elle relève, d'autre part, que Madame X inscrit sa demande dans le cadre de recherche administrative sur la vente de sa maison. Cette dernière a par ailleurs signé un engagement à ne pas diffuser les informations portées à sa connaissance du fait de la consultation des dossiers sollicités. Elle constate, enfin, que la direction générale des patrimoines serait pour sa part favorable à cette demande. Pour l'ensemble de ces raisons, la commission estime que la consultation anticipée des documents sollicités ne porterait pas une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet donc un avis favorable.