Conseil 20230859 Séance du 30/03/2023

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 30 mars 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à la mère et tutrice d’un résident, du dossier de son fils, lequel contient des éléments ayant conduit d'une part, à un signalement auprès du procureur de la République de Versailles pour des faits graves rapportés par le résident lors d'entretiens avec la psychologue, et d'autre part, à un signalement en parallèle de ces mêmes faits auprès du juge des tutelles dans le cadre des démarches d’accompagnement et de protection du résident par le foyer. Aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. » Par ailleurs, le second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale prévoit que : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». En vertu de l’article 40-1 de ce code, s’il estime que des faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions précitées de l’article 40 sont constitutifs d’une infraction, le procureur de la République territorialement compétent décide s’il est opportun d’engager des poursuites, de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites ou de procéder au classement sans suite de la procédure. Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu’un document administratif a été transmis au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, il appartient à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l’être, afin de déterminer, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, n° 372230, Rec. p. 493). Lorsque le magistrat compétent a décidé de ne pas engager de procédure, comme c'est le cas en l'espèce dès lors que le signalement effectué a été classé sans suite, les documents administratifs sont en revanche communicables aux intéressés en vertu de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des occultations éventuellement nécessaires en vertu notamment des 2° et 3° de cet article. La commission vous rappelle ensuite que si les parents d'un enfant majeur ne disposent pas d'un droit d'accès aux documents touchant à la vie privée de ce dernier (CE, 6 déc. 1993, n° 143493, Lebon T. 783), le tuteur d'un majeur protégé a en revanche la qualité de personne intéressée pour l'accès à de tels documents au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, le III de l'article L1111-2 du code de la santé publique prévoit que le droit de toute personne d'être informée de son état de santé est exercé par le majeur protégé d'une manière adaptée à sa capacité de compréhension ainsi que par la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne ou par la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec assistance à la personne si le majeur protégé y consent expressément. La commission en déduit que le tuteur, conformément d'ailleurs à la mission de représentation de la personne sous tutelle dans tous les actes de la vie civile dont l'investit l'article 473 du code civil, sous réserve des aménagements que peut décider le juge, exerce au nom de la personne sous tutelle le droit de celle-ci d'accéder aux documents touchant à sa vie privée et aux informations relatives à sa santé détenues par des professionnels ou des établissements de santé conformément à l'article L1111-7 du code de la santé publique, lequel lui permet d'y accéder « directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne ». En l’espèce, le dossier individuel du majeur protégé accueilli au sein de votre établissement est en principe communicable à sa mère, en tant que tutrice. La commission considère, toutefois, qu'un sort particulier doit être réservé aux comptes rendus d'entretiens et bilans psychologiques en rapport avec les faits graves dont ce résident a fait état. La commission souligne en effet que les informations contenues dans ces documents ont été recueillies à l'occasion d'entretiens menés sous le sceau de la confidentialité au cours desquels le résident s'est confié à sa psychologue. Elle relève également que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la demanderesse doit être regardée, à l'égard de ces documents, comme agissant en qualité de personne mise en cause, c'est-à-dire en son nom propre, et non dans le cadre de sa mission de représentation de son fils majeur sous tutelle. La commission estime par suite que la demanderesse ne dispose pas de la qualité de personne intéressée au sens de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration à l’égard des comptes rendus d'entretiens et bilans psychologiques et que leur divulgation serait, compte tenu de leur teneur et des éléments de contexte portés à sa connaissance, de nature à porter préjudice au déclarant ainsi qu'à la psychologue qui a mené les entretiens. Elle vous invite, dès lors, à ne pas communiquer ces documents à la demanderesse.