Avis 20230834 Séance du 30/03/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 14 février 2023, à la suite du refus opposé par le maire d'Auxerre à sa demande de consultation, en sa qualité de conseiller municipal, des documents suivants :
1) les promesses de vente signées le 20 juin 2022 concernant environ 142 000 m² de terrains, soit 14 hectares de terrains de la zone d’activités économiques « AuxR_Parc », à la société X ;
2) les trois promesses de vente signées le 5 décembre 2022 concernant environ 109 000 m² de terrains, soit 10,9 hectares de terrains de la zone d’activités économiques « AuxR_Parc », à la société X pour la somme de 5,9 millions d’euros TTC ;
3) l’ensemble des déclarations d'intention d'aliéner (DIA) concernant l’ensemble des acquisitions sur les deux collectivités depuis juin 2020 ;
4) l’ensemble des amendes correspondant aux véhicules du cabinet (potentiellement reçues), à savoir la C5 immatriculée X, la Mégane blanche immatriculée X, la C4 noire immatriculée X, la ZOE électrique immatriculée X ;
5) le détail des frais de représentation du maire ainsi que ceux de son directeur général des services en rapport avec les délibérations (n° 2020‐162 VA) et (2020‐235 CA).
La commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.
En l’absence de réponse du maire d'Auxerre à la date de sa séance, la commission rappelle, en premier lieu, qu'elle est compétente, depuis l'adoption de la loi du 7 octobre 2016 qui a créé un article L300-3 du code des relations entre le public et l'administration, pour apprécier le caractère communicable des actes de gestion du domaine privé de l’État ou des collectivités territoriales. Elle ajoute que si, en principe, les actes notariés et d'état civil ne revêtent pas le caractère de documents administratifs entrant dans le champ d'application de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 (CE, 9 février 1983, X, n° 35292, rec. p. 53), devenu article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, elle considère désormais que la seule circonstance qu'une convention soit passée en la forme authentique ne saurait la soustraire au droit d'accès prévu par ce code. Lorsqu'une convention passée en la forme authentique a, d'une part, pour co-contractante une administration au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration et, d'autre part, un objet en rapport direct avec l'exercice de missions de service public ou en relation avec la gestion du domaine privé de l’État ou d'une collectivité territoriale, cette convention entre dans les prévisions de ce code, dans la mesure qu'il détermine.
La commission rappelle, en outre, qu'un document préparatoire est exclu du droit d'accès prévu par le code des relations entre le public et l'administration aussi longtemps que la décision administrative qu'il prépare n'est pas intervenue ou que l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable.
En l'espèce, la commission estime que les promesses de vente sollicitées aux points 1) et 2), dont elle comprend qu'elles concernent des éléments du domaine privé de la commune d'Auxerre, sont communicables au demandeur en application des articles L300-3 et L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation des mentions couvertes par les secrets protégés par l'article L311-6 de ce code, et sous réserve également que l'acte authentique de cession final ait été conclu, faisant perdre à ces documents leur caractère préparatoire. Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande.
La commission rappelle en deuxième lieu que les DIA, qui contiennent des informations relatives au patrimoine des vendeurs, ne sont pas communicables à des tiers mais uniquement aux intéressés, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration protégeant le secret de la vie privée, que ces déclarations aient été suivies ou non d’une préemption. Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, ministre de l'immigration nationale et du développement solidaire c/ M. X (n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon), que l'intéressé, au sens de cet article, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication. La commission estime, dès lors, que sont directement concernés par une DIA tant le vendeur que l'acquéreur, ainsi que, le cas échéant leurs ayants droit. Il en résulte en revanche qu'un tiers n'est pas recevable à demander l'accès à ces documents sur le fondement des dispositions des articles L311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. La commission émet donc un avis défavorable à la demande sur le point 3), Monsieur X ayant la qualité de tiers.
La commission rappelle en troisième lieu que les documents qui émanent directement des juridictions ou qui sont élaborés pour l'autorité judiciaire ne sont pas considérés, en principe, comme des documents administratifs et n'entrent donc pas dans le champ du livre III du code des relations entre le public et l’administration. C'est notamment le cas pour les jugements, les ordonnances, les décisions ou les arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. Mais c'est aussi le cas, plus largement, de toutes les pièces établies pour les besoins et au cours d'une procédure juridictionnelle, concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements.
En l'espèce, dès lors que les documents sollicités au point 4) font partie intégrante d'une procédure contraventionnelle, ils doivent être regardés, en application de ces principes, comme revêtant un caractère judiciaire. Par suite, la commission se déclare incompétente pour se prononcer sur ce point.
La commission rappelle en dernier lieu que, ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dans sa décision n° 452521, Ville de Paris, du 8 février 2023 les documents demandés au point 5), qui ont trait à l’activité du maire dans le cadre de son mandat et du directeur général des services dans le cadre de ses fonctions, ne sauraient être regardés comme mettant en cause la vie privée de ces personnes. En outre, la communication des mentions faisant le cas échéant apparaître l’identité et les fonctions des personnes invitées ne porte pas davantage atteinte, par principe, à la protection de vie privée de ces autres personnes. Il appartient à l’autorité administrative d’apprécier au cas par cas, à la date à laquelle elle se prononce sur une demande de communication, si, eu égard à certaines circonstances particulières tenant au contexte de l’évènement auquel un document se rapporte, la communication de ces dernières informations ou celle du motif de la dépense serait de nature, par exception, à porter atteinte aux secrets et intérêts protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, justifiant alors leur occultation. La commission émet, donc, dans cette mesure un avis favorable à la communication des documents sollicités au point 5).