Avis 20230766 Séance du 30/03/2023

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 9 février 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Charleville-Mézières à sa demande de communication du procès-verbal de l'audition du 23 juin 2022 suite à l'enquête administrative effectuée au sein du service restauration scolaire sur un ou plusieurs fonctionnaires. La commission rappelle qu'aux termes de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, [...] 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. » La commission considère, sur ce fondement, que les documents tels que les témoignages recueillis dans le cadre d'une enquête administrative, tout comme les lettres de signalement, de plainte ou de dénonciation adressées à une administration, dès lors que leur auteur est identifiable, que ce soit directement ou par déduction, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par le témoignage ou la lettre en question. A défaut de pouvoir rendre impossible l'identification de leur auteur, l’intégralité des propos tenus doit être occultée. Lorsqu'une telle occultation conduirait à priver de son sens le document sollicité, sa communication doit être refusée. En application de ces principes, la commission considère que les procès-verbaux de leurs propres auditions réalisées à l'occasion d'une enquête administrative sont communicables aux agents intéressés, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. En l'espèce, la commission comprend des pièces du dossier qu'un avocat a été chargé de réaliser l'enquête administrative et a remis à la commune de Charleville-Mézières un rapport ne comportant pas de procès-verbaux d'audition stricto sensu. La commission en déduit que l'administration ne détient pas le document sollicité par Madame X. Elle rappelle à cet égard que, sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui font obligation à une autorité administrative saisie d’une demande de communication de documents qu’elle ne détient pas de transmettre cette demande à l’autorité susceptible de les détenir, ce code ne saurait avoir pour effet d'imposer à une telle autorité de solliciter d'un tiers la remise d'un document qui n’est pas en sa possession afin de satisfaire à une demande de communication. Elle déclare, dès lors, la demande d'avis sans objet en tant que portant sur le procès-verbal d'audition de la demanderesse. La commission relève toutefois que si le rapport remis dans le cadre de cette enquête administrative inclut dans ses développements le témoignage de Madame X, ce dernier serait alors communicable à l'intéressée par extrait, pour ce qui la concerne. Elle souligne, en outre, qu'en vertu du h) du 2° de l’article L311-5, ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte aux autres secrets protégés par la loi. Aux termes de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». En application de ces dispositions, le Conseil d’État (CE, ass., 27 mai 2005, n° 268565) a jugé que l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, en l’espèce une commune, notamment les consultations juridiques rédigées par l'avocat à son intention, sont des documents administratifs couverts par le secret professionnel. La commission estime, toutefois, qu'un rapport d'enquête administrative rédigé par un avocat n'entre pas dans le champ de cette réserve, eu égard à son objet et à sa finalité. Elle émet donc un avis favorable à la demande, sous ces réserves.