Avis 20230559 Séance du 09/03/2023
Maître X, conseil de X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 27 janvier 2023, à la suite du refus opposé par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à sa demande de communication, à la suite d’une réponse partielle, de l’intégralité des dossiers de demande d’autorisation des trois projets d’expérimentation animale dont les résumés non techniques ont été publiés sur la base de données ALURES de la Commission européenne sous les références suivantes NTS-FR-994315, NTS-FR-743007 et NTS-FR-184678.
La commission observe au vu des pièces du dossier que le 28 décembre 2022, le conseil de l’association One Voice a sollicité, pour les trois projets d’expérimentation animale référencés NTS-FR-994315, NTS-FR-743007 et NTS-FR-184678, les dossiers de demande d’autorisation, l’acte d’autorisation des procédures et les avis du comité d’éthique. En réponse à cette demande, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche lui a communiqué les actes d’autorisation et avis du comité d’éthique.
Après avoir pris connaissance de la réponse de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, la commission relève que tout projet impliquant l'utilisation d'un animal dans le cadre d'une procédure expérimentale telle que définie par l'article R214-89 du code rural et de la pêche maritime fait l'objet, en vertu de l'article R214-117 de ce code, d'une évaluation éthique par un comité d'éthique en expérimentation animale, avant d'être soumis, dans les conditions définies par l'article R214-122 et hors le cas prévu par l'article R214-127 du même code, à l'obtention d'une autorisation par le ministre chargé de la recherche.
En l'espèce, elle estime que les documents sollicités, qui se rattachent à cette procédure d'évaluation éthique des projets expérimentaux, constituent des documents administratifs communicables dans les conditions définies par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.
Elle rappelle, en premier lieu, qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l’article L311-2 de ce code : « Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ». En application de ces dispositions, la commission distingue deux types de documents :
- d'une part, les documents inachevés en la forme, tels que les ébauches, brouillons et versions successives d'un document, qui précèdent l'élaboration d'un document complet et cohérent, et qui ne peuvent pas être communiqués, seul le document achevé étant communicable le cas échéant ;
- d'autre part, les documents préparatoires, lesquels ont acquis leur forme définitive, mais dont la communication est subordonnée à l’intervention de la décision administrative qu'ils préparent.
La commission comprend des informations portées à sa connaissance qu'en l'espèce les documents sollicités sont achevés et ne revêtent pas un caractère préparatoire.
Elle observe, en second lieu, que cette demande ne peut être satisfaite que sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé.
Elle relève, à cet égard, que l'autorité saisie lui a indiqué que les documents sollicités comportent des données personnelles couvertes par le secret de la vie privée. Elle en prend note et émet, dès lors, un avis favorable à la demande, sous réserve de l'occultation de ces mentions protégées.
Elle observe que l'administration se prévaut par ailleurs du secret des procédés, composante du secret des affaires, protégé par le 1° de l'article L311-6 du code précité. Elle rappelle qu'elle considère, de manière constante, que, s'agissant des personnes morales de droit public chargées d'une mission de service public et dont l'objet principal n'est ni industriel, ni commercial, les documents administratifs produits ou reçus dans le cadre de leurs missions sont en principe intégralement communicables à toute personne sans que puisse être opposé le secret des affaires et nonobstant le fait que leur activité s’inscrive dans un environnement concurrentiel (avis de partie II n° 20210291 du 4 mars 2021). Elle estime, dès lors, que le secret des affaires ne peut pas utilement être invoqué en l'espèce.
La commission rappelle, enfin, qu'en vertu de l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique ».
Elle précise qu'il résulte toutefois de l’article L121-7-1 du code de la propriété littéraire et artistique que le droit de divulgation reconnu à l’agent public « qui a créé une œuvre de l’esprit dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues s’exerce dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d’agent et de celles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de la personne publique qui l’emploie ». Parmi ces règles, figurent celles du code des relations entre le public et l'administration qui imposent aux administrations de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent, sous réserve des articles L311 5 et L311-6 dudit code. Elle considère, dès lors, que le droit de divulgation dont dispose un agent public sur un document administratif ne saurait faire obstacle au droit d'accès prévu par le titre Ier du livre III de ce code. Elle en déduit qu'en principe, l'administration n'a pas à requérir l'autorisation préalable de l'agent public concerné ou le cas échéant de ses ayants droit, avant de procéder à la communication ou à la publication du document (Conseil de partie II n° 20180226 du 17 mai 2018).
Toutefois, le dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle exclut des dispositions de l’article L121-7-1 précitées « les agents auteurs d’œuvres dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique ». Ces agents disposent donc du droit de divulgation des œuvres dont ils sont les auteurs, dans les conditions prévues à l'article L121-2 du même code, ce droit patrimonial n’étant pas transféré automatiquement à l’administration. Il résulte de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l’administration, telles qu'interprétées par le Conseil d’État (CE, 8 novembre 2017, Association spirituelle de l’Église de scientologie, n° 375704), qu'avant de procéder à la communication ou à la publication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, il appartient à l'administration saisie de recueillir l'accord de leur auteur (Conseil n° 20180226, précité). Par suite, lorsqu’un agent entrant dans le champ d’application du dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle détient des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en possession de l'administration, cette dernière doit requérir son autorisation préalable avant de procéder à la communication ou à la publication du document.
Comme elle l'a fait dans son avis de partie I n° 20224541 du 8 septembre 2022, la commission estime qu’entrent en principe dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle, les personnels de recherche des établissements publics à caractère scientifique et technologique qui, en vertu de l’article L411-3 du code de la recherche, jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions et de leurs activités de recherche.
En l'espèce, et en l'absence de précision sur ce point, la commission estime que les documents sollicités, s'ils sont grevés de droits d'auteur et s'ils n'ont pas fait au préalable l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, ne pourront être communiqués à la demanderesse qu'avec l'autorisation de leurs auteurs.
Sous l'ensemble de ces réserves, la commission émet un avis favorable.