Avis 20230513 Séance du 09/03/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le président de l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse à sa demande de copie, par courrier électronique, des documents suivants :
1) les délibérations du conseil d’administration de l'université du 26 juin 2018 ;
2) les fiches de poste, pour l'année universitaire 2017/2018, et pour l'année universitaire 2021/2022, de chaque personnel, contractuel ou titulaire, des équipes « Infrastructure et Applications Métiers » du pôle DevOps de la DOSI ;
3) les fiches de paie de novembre 2017, janvier 2018, août 2018, septembre 2018 et janvier 2022 des personnels contractuels ou titulaires de l'équipe « Infrastructure du pôle DevOps » de la DOSI hors X ;
4) les fiches de paie d'août 2018, septembre 2018 et janvier 2022 des personnels contractuels ou titulaires de l'équipe « Applications Métiers » du pôle DevOps de la DOSI ;
5) les fiches de paie d'août 2018 et janvier 2022 du directeur de la DOSI (Monsieur X) et des deux directeurs adjoints de la DOSI, Monsieur X et Monsieur X).
En premier lieu, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le président de l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse fait valoir que la saisine de la commission serait tardive, dès lors qu'il résulte des articles R311-12 et R311-13 du code des relations entre le public et l'administration, que lorsqu'elle est saisie d'une demande de communication de documents, l'administration dispose d'un délai d'un mois pour y répondre, son silence au terme de ce délai valant refus, et qu'en présence d'un tel refus, il ressort des dispositions de l'article R311-15 de ce code que le demandeur dispose alors d'un délai de deux mois pour saisir la commission. Toutefois, ce délai ne court, en cas de refus implicite, que si la demande de communication a donné lieu à la délivrance de l'accusé de réception prévu par l'article L112-3 du code des relations entre le public et l'administration, comportant la mention du recours préalable devant la commission (CE 11 juillet 2016, n° 391899). La commission constate que le président de l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse ne justifie pas en l'espèce de la délivrance de cet accusé de réception. Sa saisine n'est, par suite, pas tardive.
En deuxième lieu, en l'état des informations dont elle dispose, la commission estime que la demande ne présente pas un caractère abusif, contrairement à ce que fait valoir le président de l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse.
En troisième lieu, la commission estime que le document mentionné au point 1) est communicable à toute personne qui en fait la demande, sur le fondement de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle relève que l'autorité saisie ne justifie pas, par ces écritures, avoir effectivement transmis ce document au demandeur. Elle émet, par suite, un avis favorable à la demande sur ce point.
En quatrième lieu, la commission rappelle que les fiches de postes des agents publics, qui décrivent les attributions attachées à un emploi indépendamment de la personne de l'agent, constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code précité. Elle émet donc un avis favorable à la communication des fiches de poste sollicitées au point 2), si ces dernières existent. Elle relève que l'autorité saisie ne justifie pas dans ces écritures que les documents sollicités font l'objet d'une diffusion publique au sens de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration.
En dernier lieu, s'agissant des documents demandés aux points 3) à 5), la commission rappelle que si la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens, les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime cependant que si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime.
En application de ces principes, la commission estime que les composantes fixes de la rémunération (par exemple, l'indice du traitement, la nouvelle bonification indiciaire ou encore les indemnités de sujétion) figurant sur les bulletins de salaire sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande. Doivent en revanche être occultés, en application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l’administration, les éléments y figurant qui seraient liés, soit à la situation familiale et personnelle de l'agent en cause (supplément familial), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur sa manière de servir ou encore de celles relatives aux horaires de travail, aux indemnités et heures supplémentaires. Il en serait de même, dans le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent. En outre, dans le cas où le montant total de la rémunération doit être occulté, les rubriques de paye qui permettraient, par une opération simple, de reconstituer ce montant, telles que les montants de cotisations sociales ou les cumuls de paie, doivent également faire l'objet d'une occultation. Les mentions intéressant la vie privée des agents (date de naissance, adresse personnelle, situation familiale, numéro de sécurité sociale, dates de congés, etc.) doivent également être occultées en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
Dans son avis de partie II, n° 20210741, du 11 février 2021, la commission a par ailleurs fait évoluer sa position en ce qui concerne le temps de travail des agents publics et fonctionnaires et considère désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procèderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée.
S'agissant des mentions supplémentaires présentes sur le bulletin de paye des agents publics depuis l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, la commission estime que la mention du taux d'imposition, qui apparaît soit comme un taux personnalisé soit comme un taux « neutre », est susceptible, d'une part, de permettre la révélation d'informations liées à la situation personnelle et familiale de l'agent concerné, notamment par le biais de croisement de ces informations avec d'autres éléments disponibles. D'autre part, le taux d'imposition constitue une information propre à la situation fiscale de l'agent qui relève du champ d'application de l'article L103 du livre des procédures fiscales, dispositions particulières dérogeant au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, et de la vie privée.
La commission souligne enfin que le Conseil d’État (CE, 24 avril 2013, n° 343024 et CE, 26 mai 2014, n° 342339) a précisé que lorsque la rémunération qui figure dans le bulletin de salaire d'un agent public résulte de l'application des règles régissant l'emploi concerné, sa communication à un tiers n'est pas susceptible de révéler sur la personne recrutée une appréciation ou un jugement de valeur, au sens des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et les administrations, mais qu'en revanche, lorsqu'elle est arrêtée d'un commun accord entre les parties sans référence à des règles la déterminant, la rémunération révèle nécessairement une telle appréciation ou un tel jugement de valeur.
La commission émet, en application de ces principes, un avis favorable à la communication des documents sollicités, sous ces réserves.