Avis 20230363 Séance du 09/03/2023
Monsieur X, agissant dans l'intérêt et au nom de sa fille mineure, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 16 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de la Gironde à sa demande de consultation du dossier administratif de sa défunte épouse dont il était séparé, Madame X, notamment le formulaire cerfa 13788 01 de demande d'une PCH auprès de la MDPH.
La Commission, qui a pris connaissance de la réponse du président du conseil départemental de la Gironde, mentionnant l'absence de motif précis justifiant la demande de communication, relève que la demande porte sur le dossier de l'épouse défunte du demandeur, comprenant notamment une demande de prestation de compensation du handicap (PCH).
En premier lieu, la Commission rappelle, s'agissant du volet médical du dossier, que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès.
La Commission souligne que, par ces dispositions, le législateur a entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical. Cet accès suppose, en outre, que la demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis. Ces dispositions n'instaurent au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical.
La Commission souligne, en outre, que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant. S'agissant enfin de la volonté du défunt quant à la communication des informations médicales le concernant, la Commission rappelle qu’en l’absence de preuve contraire, il y a lieu de présumer l’accord du patient à ce que certaines pièces puissent être communiquées après son décès à ses ayants droit.
En l'espèce, la Commission comprend que Monsieur X a présenté sa demande de communication dans l'intérêt et au nom de sa fille, qui a la qualité d'ayant droit de sa mère défunte. Il n'apparaît pas que la défunte se serait opposée à la communication de son dossier médical avant son décès. La Commission estime, en revanche que la demande est formulée de manière trop imprécise pour permettre de la rattacher à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4 du code de la santé publique.
S'agissant du volet administratif, la Commission rappelle que le dossier d'un usager est communicable à la personne intéressée, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon, que la personne intéressée, au sens de ces dispositions, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication.
La qualité de personne intéressée a été reconnue aux ayants droit sollicitant la communication d'un document utile à la défense de leurs droits patrimoniaux en qualité d'héritier ou des droits à pension en tant que conjoint (avis n° 20164455, du 17 décembre 2016 ; avis n° 20183964, du 20 décembre 2018), ainsi qu'à ceux s'inscrivant dans une démarche tendant à la réparation d’un dommage subi par une personne décédée, à l’égard des documents nécessaires à l’établissement de ce préjudice et à l'engagement de la responsabilité de son auteur, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès (avis n° 20212776, du 6 mai 2021).
En application de ces principes, la Commission estime que le dossier administratif d'un usager est communicable à ses ayants droits ou s'ils sont mineurs à leurs représentants légaux, à condition qu’ils se prévalent en le justifiant, à raison des documents dont ils demandent la communication, de droits propres hérités du défunt ou de droits propres nés d’un préjudice qu’ils subissent directement. En l'espèce et en l'état des informations portées à sa connaissance, la Commission estime que cette condition n'est pas remplie, le demandeur se bornant à évoquer, au soutien de sa demande, d'éventuelles poursuites judiciaires susceptibles d'être engagées contre la mère de la défunte.
La Commission émet, dès lors, en l'état, un avis défavorable à la demande et invite le demandeur à apporter, le cas échéant, des précisions sur le ou les objectifs poursuivis ainsi que sur les raisons pour lesquelles des documents sollicités lui sont nécessaires.