Avis 20230211 Séance du 16/02/2023
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de consultation et reproduction, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d'une recherche administrative, des documents suivants conservés aux Archives départementales du Morbihan :
1) la liste nominative du recensement de la population de la commune de Saint-Jean-Brévelay, 1982 ;
2) les recensements de la population de la commune de Saint-Jean-Brévelay pour les années 1962, 1968 et 1975, sachant que seule la consultation a été autorisée.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines a précisé à la commission que son refus faisait suite au refus exprimé par la direction régionale de Bretagne de l’Institut national de la statistique et des études économiques, dont l’accord préalable est requis, selon les dispositions de l’article L213-3 du code du patrimoine. L’Institut national de la statistique et des études économiques considère en effet que les données issues du recensement de la population sont issues d’un traitement à des finalités statistiques et ne peuvent donc être consultées qu’à des fins statistiques ou à des fins scientifiques ou historiques, selon les dispositions combinées du RGPD (règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données) et de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978.
Toutefois, la commission relève que le RGPD (article 86) comme la loi Informatique et libertés (article 7) ont entendu garantir l’équilibre entre la protection des données et les dispositions régissant l’accès aux documents administratifs et aux archives publiques. Monsieur X est donc bien fondé à demander, au titre des dispositions du code du patrimoine, l’accès à des documents comportant des données à caractère personnel, même non encore librement communicables.
La commission rappelle ensuite qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut être accordée par l’administration des archives aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine constante (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’Etat a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En l’espèce, la commission relève qu’en vertu de l’arrêté du 4 décembre 2009 portant dérogation générale pour la consultation des listes nominatives du recensement général de la population, les listes nominatives de recensement de 1962, 1968 et 1975 sont d’ores et déjà librement consultables par tous. Compte tenu par ailleurs des motivations de Monsieur X, qui effectue des recherches sur ses parents, et de l’engagement de réserve qu’il a déjà signé, la commission estime que la reproduction des recensements de la population de la commune de Saint-Jean-Brévelay pour les années 1962, 1968 et 1975 ainsi que la communication de la liste nominative du recensement de la population de la commune de Saint-Jean-Brévelay pour l’année 1982 ne porterait pas une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger.
La commission émet donc un avis favorable à la demande de Monsieur X.