Avis 20230141 Séance du 16/02/2023

Monsieur X X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre de ses recherches sur le terrorisme dans les années 1980, des documents conservés aux Archives nationales sous la cote : - Cabinet du directeur général de la Police nationale - 19910302/8/1 : Activisme-répression, 1975-1977 ; Réfugiés politiques, 1971-1976. La commission, qui a pris connaissance des observations du directeur général des patrimoines, rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, les documents dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique ou à la protection de la vie privée publique ne deviennent librement communicables qu'à l'expiration d'un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier. Les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire ne deviennent quant à eux librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou d‘un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref. La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En l'espèce, la commission comprend de la réponse du directeur général des patrimoines que les documents demandés comportent des mentions relevant de la vie privée, de la sécurité publique et des documents produits dans le cadre d’enquêtes menées par les services de police judiciaire. Pour ces raisons, le délai de communicabilité du dossier est fixé à 75 ans à compter de sa clôture. En outre, l’un des documents est couvert par le secret de la défense nationale et n’a pas fait l’objet d’une décision de déclassification. Compte tenu de la date de libre communicabilité encore éloignée ainsi que du risque d’atteinte à la vie privée de personnes susceptibles d’être encore en vie, la commission estime que la consultation anticipée de ce dossier serait de nature à porter une atteinte démesurée aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet donc un avis défavorable à la communication des documents précités.