Avis 20228010 Séance du 16/02/2023

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 28 décembre 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Boffres à sa demande de communication des documents suivants : 1) toutes les pièces concernant l'attribution du marché du site internet, à savoir le cahier des charges du marché notifié à l'attributaire ainsi que le montant du marché ; 2) les précisions concernant la constitution de servitude de captage et de canalisation sur la parcelle cadastrée X lieu-dit « X » ; 3) l'arrêté de déclaration d’utilité publique (DUP) instaurant les périmètres de captage d’eau ; 4) les résultats de la DUP visant à préserver la qualité et limitant les risques de pollution de l'eau ; 5) l'étude hydrogéologique du secteur et l'avis donné par l'hydrogéologue agréé sur les limites des périmètres et les servitudes proposées ; 6) le niveau de protection (immédiate, rapprochée, éloignée) concerné par la servitude visée par la délibération du conseil municipal ; 7) l'arrêté de mise en demeure d’effectuer les travaux d’entretien notifié aux propriétaires précisant notamment les obligations d’entretien imposées aux propriétaires, ainsi que la procédure appliquée en précisant que les frais seront à leur charge ; 8) le montant du recouvrement des dépenses d'élagage pour les années 2020, 2021 2022 ; 9) les titres de perception à l’encontre des propriétaires, arrêtés et rendus exécutoires ; 10) l'intégralité du grand livre des comptes depuis 1er janvier 2020, conformément à l'article L2121‐26 du code général des collectivités territoriales (CGCT), notamment : a) les différents livres comptables ; b) l'état des recettes et des dépenses ; 11) toutes les informations concernant l'entreprise attributaire des travaux du chemin de Gleize qui rejoint la route départementale à Robert, le montant et la facture de ces travaux pour les contribuables de la commune, la publication de la décision de réalisation de ces travaux en application de l'article L2122‐23 du CGCT. A titre liminaire, si le maire de Boffres a transmis à la commission une copie de certains documents, il n’appartient pas à la commission, conformément aux dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration, de procéder elle-même à la communication de ces documents au demandeur mais de rendre un avis sur leur caractère communicable. Pour ce qui concerne en premier lieu les documents relatifs à l’élagage mentionnés aux points 7) à 9) : En réponse à la demande qui lui a été adressée, le maire de Boffres a indiqué à la commission qu’aucun arrêté municipal n’avait été pris et qu’aucune procédure en recouvrement n’avait été initiée. La commission ne peut dès lors que déclarer la demande d’avis sans objet sur ces points. Pour ce qui concerne en deuxième lieu les documents relatifs à des marchés publics mentionnés aux points 1) et 5) de la demande : Si le maire de Boffres a précisé à la commission que les comptes rendus du conseil municipal comportent les informations demandées par Madame X, la commission constate que les documents sur lesquels porte la demande n’ont toutefois pas donné lieu à une diffusion publique, au sens de l’article L311-2 du code des relations entre le public. La commission considère dès lors que la demande d’avis est recevable sur ces points. La commission rappelle ensuite qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. En application de ces principes, la commission émet, sous ces réserves, un avis favorable à la communication des documents sollicités aux points 1) et 11) de la demande. Pour ce qui concerne en troisième lieu les documents relatifs au captage d’eau mentionnés aux points 2) à 6) : Si le maire de Boffres a précisé à la commission que les comptes rendus du conseil municipal comportent certaines des informations sollicitées, la commission n’a, d’une part, pas pu s’en assurer, et comprend, d’autre part, que les documents demandés n’ont pas pour autant fait l’objet d’une diffusion publique au sens de l’article L311-2 du code des relations entre le public. La commission considère dès lors que la demande d’avis est recevable sur ces points Elle rappelle ensuite que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; 3º L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus (….) ». La commission estime que les documents sollicités contiennent des informations relatives à l'environnement, portant sur l'utilisation de la ressource en eau et la pollution des sols, relevant par suite du champ d'application de ces dispositions. Selon les articles L124-1 et L124-3 du même code, le droit de toute personne d'accéder à des informations lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement. La commission considère que les documents sollicités aux points 2) à 6) sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions des articles L311-1 du code des relations entre le public et l'administration et L124-1 et suivants du code de l'environnement. Elle émet par suite un avis favorable à ces points de la demande, si ces documents existent. Pour ce qui concerne en quatrième lieu le grand livre des comptes depuis le 1er janvier 2020, sollicité au point 10) de la demande : La commission rappelle qu'en application de l'article L2126-26 du code général des collectivités territoriales : "Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication sur place et de prendre copie totale ou partielle des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux. Chacun peut les publier sous sa responsabilité. La personne visée au premier alinéa désireuse de se faire communiquer la copie des budgets ou des comptes d'une commune peut l'obtenir, à ses frais, aussi bien du maire que des services déconcentrés de l'État." La commission estime, par suite, que le grand livre des comptes est un document administratif communicable à toute personne en faisant la demande sur le fondement de ces dispositions, sous réserve de l’occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par le secret des affaires, le secret de la vie privée ou de tous autres secrets protégés par la loi (CE, 27 septembre 2022, n° 452614). S’agissant enfin des modalités de communication, la commission rappelle qu'en vertu de l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document. La commission précise que ces dispositions ne font pas obligation à l’administration de communiquer sous forme électronique les documents dont elle ne dispose pas déjà sous cette forme, ou de numériser un document disponible en version papier. En revanche, si elle y procède, les documents doivent être mis à disposition sous forme électronique dans un format réutilisable. La commission rappelle par ailleurs que, hormis le cas des demandes présentant un caractère abusif, le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication. En revanche, l’administration est fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l'administration est notamment en droit d'inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Alternativement, elle peut convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement des services. En l’espèce, la commission comprend de la réponse du maire de Boffres que l’ensemble des documents demandés n’ont pas été numérisés et que, compte tenu de leur volume et des effectifs communaux, il n’était pas en mesure de procéder à leur copie. Dans ces circonstances, la commission estime que la commune peut inviter Madame X à consulter sur place les documents qui ne sont pas disponibles sous forme électronique et à sélectionner les documents dont elle souhaitera obtenir copie, Pour ces derniers, le maire pourra faire établir un devis auprès d'un prestataire spécialisé et adresser ce devis à Madame X afin qu’elle confirme, le cas échéant, sa demande.