Avis 20227905 Séance du 16/02/2023

Maître X, conseil de X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 décembre 2022, à la suite du refus opposé par le président de l'Université de Lille à sa demande de communication, par voie électronique, d'une copie des documents suivants : 1) l'ensemble des fiches de paie de Monsieur X, du mois de septembre 2016 au mois d’avril 2019 ; 2) l'emploi du temps des cours de Monsieur X, du mois de septembre 2016 au mois d’avril 2019 ; 3) le cas échéant, l’ensemble des emplois du temps des niveaux universitaires (L1 à M2, ainsi que ceux de l'IEJ) dans lesquels Monsieur X est intervenu entre le mois de septembre 2016 et le mois d’avril 2019. La commission, qui a pris connaissance des observations du président de l'Université de Lille, rappelle qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique : « Sous réserve des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et sans préjudice de l'article L114-8 du même code, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 dudit code sont tenues de communiquer, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l'article L300-2 qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public. » La commission considère, en l'espèce, eu égard à la nature des documents sollicités, que la demande est formulée par l'université X pour l'accomplissement de ses missions de service public, dès lors que ceux-ci sont utiles à l'instruction d'un recours indemnitaire engagé par Monsieur X à la suite de l’annulation de la décision de X du 12 avril 2016 renvoyant au comité de sélection l’examen des candidatures relevant du dispositif prioritaire au titre du rapprochement de conjoints. Elle rappelle, toutefois, que le droit de communication entre administrations prévu par l'article 1er de la loi précitée pour une République numérique s’exerce sous réserve des secrets protégés par les dispositions du code des relations entre le public et l’administration. Elle précise que doivent ainsi être occultées, préalablement à toute communication, les mentions portant atteinte à la vie privée de tiers, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, conformément à l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Elle ajoute que lorsque l'ampleur des occultations à opérer en application de ces dispositions prive d'intérêt la communication du document sollicité, l'administration est alors fondée, en vertu de l'article L311-7 du même code, à refuser sa communication. En l’espèce, la commission rappelle, en premier lieu, que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Il en est ainsi, notamment, des arrêtés de nomination, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime cependant que, si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime. Ainsi, s'agissant des éléments de rémunération, la commission est défavorable à la communication des informations liées, soit à la situation familiale et personnelle (supplément familial), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur la manière de servir de l'agent (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement), ou encore de celles relatives aux horaires de travail, aux indemnités et heures supplémentaires. Il en va de même, pour le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent. La commission précise en outre qu'elle a fait évoluer sa position, ancienne (conseils 20101148 du 29 mars 2010 et 20104024 du 14 octobre 2010), en ce qui concerne le temps de travail des agents publics et fonctionnaires et considère désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procèderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée. La commission souligne également que le Conseil d’État (CE 24 avril 2013 n° 343024 et CE 26 mai 2014 n° 342339) a précisé que lorsque la rémunération qui figure dans le contrat de travail ou le bulletin de salaire d'un agent public résulte de l'application des règles régissant l'emploi concerné, sa communication à un tiers n'est pas susceptible de révéler sur la personne recrutée une appréciation ou un jugement de valeur, au sens des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et les administrations, mais qu'en revanche, lorsqu'elle est arrêtée d'un commun accord entre les parties sans référence à des règles la déterminant, la rémunération révèle nécessairement une telle appréciation ou un tel jugement de valeur. Dans ce cas, le contrat de travail peut être communiqué après occultation des éléments relatifs à la rémunération, tandis que la communication du bulletin de salaire, qui serait privée de toute portée sans la rémunération, ne peut être opérée. Enfin, s'agissant des mentions supplémentaires présentes sur le bulletin de paye des agents publics depuis l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, la commission considère que la mention du taux d'imposition doit faire l'objet d'une occultation en application du 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Il en va de même pour les mentions, qui ne sont que la conséquence arithmétique de l'application de ce taux, du montant qui aurait été versé au salarié en l'absence de retenue à la source, du montant de l'impôt prélevé et du montant net à payer. En application de ces principes, la commission émet donc un avis favorable sur le point 1), sous réserve de l'occultation des mentions relevant du secret de la vie privée, et prend note de l'intention du président de l'Université de Lille de satisfaire, dans les meilleurs délais, ce point de la demande. Elle relève, en deuxième lieu, que les emplois du temps individuels des agents publics qui comportent les noms de ces agents et révèlent ainsi leurs jours et horaires de travail ne sont communicables qu'aux intéressés, dans la mesure où la communication de ces informations porterait atteinte à la protection de leur vie privée, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même lorsqu'un planning ou un emploi du temps ne comporte pas le nom d'un agent, dans l'hypothèse où, eu égard aux fonctions qu'il exerce, l'intéressé se trouve aisément identifiable. La commission émet, dès lors, un avis défavorable à la communication du document visé au point 2). La commission relève, en troisième lieu, des éléments portés à sa connaissance par l'Université de Lille, que les documents visés au point 3) de la demande n'ont pas été conservés par l'Université. La commission, qui comprend que les documents ont été détruits, ne peut que déclarer sans objet ce point de la demande.