Avis 20227745 Séance du 26/01/2023

Maître X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 12 décembre 2022, à la suite du refus opposé par l'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à sa demande de communication des documents suivants relatifs à l'utilisation des animaux à des fins scientifiques par l’établissement X, situé sur le site de Paris-Saclay : 1) le registre entrées-sorties complet des primates dans l’établissement ; 2) les dossiers de suivi individuel des primates de cet établissement ; 3) les photographies réalisées dans le cadre du suivi clinique des primates au sein de cet établissement depuis 2014 ; 4) les comptes rendus de réunions, de recommandations et de décisions de la structure chargée du bien-être animal dans cet établissement. 1. S’agissant du point 3) : En réponse à la demande qui lui a été adressée, l'administrateur général du CEA a informé la commission que les photographies mentionnées au point 3) n'existaient pas. La commission déclare donc sans objet ce point de la demande. 2. S’agissant du surplus : La commission rappelle au préalable qu’aux termes de l’article L332-1 du code de la recherche, article situé au sein du titre III, intitulé « les établissements publics à caractère industriel et commercial » : « Le commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives est un établissement à caractère scientifique, technique et industriel, doté de la personnalité morale ainsi que de l’autonomie administrative et financière ». Cet établissement est, dès lors, une autorité administrative au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. La commission estime que les documents qui, comme en l’espèce, présentent un lien suffisamment direct avec sa mission de service public, constituent des documents administratifs soumis au droit d’accès prévu par le livre III du même code. La commission précise, ensuite, qu’aux termes de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, les administrations sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande. Ce droit doit toutefois s’exercer dans le respect des intérêts protégés par les articles L311-5 et L311-6 de ce code. Enfin, aux termes de l’article L311-7 : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ». Elle estime que les documents sollicités sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l’occultation préalable des mentions couvertes par un secret protégé. 1. Mentions protégées par l’article L311-5 : La commission rappelle que ne sont pas communicables, en application des dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, les mentions ou documents dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique ou la sécurité des personnes. Elle précise que l’atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ne se présume pas et doit être établie au regard du contenu du document et des conséquences susceptibles de s'attacher à sa divulgation. Pour s’opposer à la communication des documents sollicités, l'administrateur général du CEA évoque un risque d’actions activistes d’associations antispécistes. La commission estime, toutefois, que ces allégations générales ne suffisent pas à regarder la communication des documents sollicités comme étant de nature, par elle-même, à favoriser des intrusions, des dégradations ou tout autre acte de malveillance à l’encontre du centre X. 2. Mentions protégées par l’article L311-6 : 2.1. La commission rappelle qu'aux termes de l'article L311-6, ne sont communicables qu'à la personne intéressée, c'est-à-dire la personne que le document concerne directement, les documents : « 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, (…) ». La commission relève, en premier lieu, que le registre de suivi des animaux utilisés à des fins scientifiques, qui comporte autant de chapitres qu’il y a d’espèces animales détenues, comporte les informations suivantes, énumérées à l'annexe III de l'arrêté du 1er février 2013 fixant les conditions d'agrément, d'aménagement et de fonctionnement des établissements utilisateurs, éleveurs ou fournisseurs d'animaux utilisés à des fins scientifiques et leurs contrôles : « a) Le sexe, l'âge, le nombre d'animaux, le numéro individuel d'identification pour certaines espèces chaque animal des espèces bovine, ovine, caprine, porcine, équine, canine, féline ainsi que pour les primates ; b) La date de naissance (si elle a lieu dans l'établissement utilisateur) ; c) La date d'entrée, la provenance, en précisant notamment s'ils sont élevés en vue d'une utilisation dans des procédures et, dans le cas d'une importation, mention de cette importation avec ses références documentaires ; d) Pour les utilisateurs, les références des projets dans lesquels les animaux sont utilisés ; e) La date de sortie et la destination, le nom et l'adresse du destinataire des animaux ; f) La date et les causes de la mort (si elle a lieu dans l'établissement utilisateur) ». Elle estime qu’en supposant qu’il s’agisse d’une personne physique, la divulgation du nom et de l'adresse du destinataire des animaux est de nature à porter atteinte à la protection de la vie privée des personnes intéressées. Ces mentions, figurant au point e) de l’annexe III de l’arrêté du 1er février 2013, doivent dès lors être occultées dans cette mesure. La commission relève, en second lieu, que l'administrateur général du CEA lui a indiqué que les documents sollicités contiennent des informations sur les chercheurs du centre et sur les vétérinaires en charge du suivi des animaux. La commission estime que les éléments permettant d’identifier le personnel d’un établissement de recherche sont couverts par le secret de la vie privée des personnes intéressées, à condition toutefois qu’il ne s’agisse pas d’agents publics. Elle considère également que la divulgation de cette information, quel que soit le statut du personnel concerné, est de nature à porter préjudice aux personnes intéressées. Elle estime, dès lors, que documents sollicités doivent être préalablement occultés de ces mentions, en application des dispositions combinées du 1° et/ou du 3° de l’article L311-6 et de l’article L311-7 du code des relations entre le public et d'administration. 2.2. La commission rappelle qu'aux termes de l'article L311-6, ne sont communicables qu'à la personne intéressée les documents : « 1° Dont la communication porterait atteinte (…) au secret des affaires ». En l’espèce, l'administrateur général du CEA a précisé que les documents sollicités contiennent des informations sur les travaux de recherches menés au sein du X. Il a précisé que l’utilisation des primates s’inscrit dans le cadre de protocoles et de projets de recherche qui n’ont pas vocation à faire l’objet d’une quelconque communication tant que les résultats ne font pas l’objet d’une publication scientifique. La commission rappelle que le secret des affaires est apprécié en tenant compte du caractère concurrentiel ou potentiellement concurrentiel de l’activité exercée et eu égard à la définition donnée à l’article L151-1 du code de commerce. Elle précise également qu’elle considère que les documents administratifs et financiers relatifs aux conditions d’exercice des missions des personnes morales de droit public chargées d'une mission de service public dont l'objet principal n'est ni industriel, ni commercial sont intégralement communicables à toute personne, sans que puisse être opposé le secret des affaires et nonobstant le fait que leur activité s’inscrive dans un environnement concurrentiel (avis n° 20210291, du 4 mars 2021). En application de ces principes, la commission estime que le secret des procédés, composante du secret des affaires, est de nature à faire obstacle à la communication des éléments susceptibles de dévoiler les travaux de recherche de l’organisme concerné, à condition qu’il s’agisse d’un organisme de droit privé ou d’un organisme de droit public agissant dans le cadre d’une activité industrielle et commerciale. Elle précise enfin que les éléments à occulter, le cas échéant, au titre du secret des affaires pour les organismes qui ne sont pas chargés d’une mission de service public administratif ne sont pas d’une telle ampleur qu’ils priveraient de tout intérêt la communication des dossiers de demande d’autorisation. Elle relève, s’agissant du registre des animaux, que ce document se borne en principe à mentionner les références des projets dans lequel les animaux sont utilisés, ainsi que le prévoit l’annexe III de l’arrêté précité du 1er février 2013. Elle estime que ces mentions n’entrent pas dans le champ des documents protégés par le secret des affaires. Elle considère, en revanche, compte tenu du statut d’EPIC du CEA, que les éléments figurant sur les autres documents qui décriraient des projets de recherche à ce jour confidentiels doivent être occultés au titre du secret des affaires. 2.3. Sur la nécessité de solliciter l’accord préalable des auteurs du projet de recherche : La commission rappelle qu'aux termes de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l’administration : « les documents administratifs sont communiqués sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique ». Dans sa décision du 8 novembre 2017, n° 375704, le Conseil d’État a précisé que la réserve des droits de propriété intellectuelle implique, avant de procéder à la communication d’un document n’ayant pas déjà fait l’objet d’une divulgation au sens de l’article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l’accord de son auteur. Il en résulte que lorsqu'un tiers détient des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en possession de l'administration, cette dernière doit solliciter son autorisation avant de procéder à la communication du document. Dans un avis n° 20224541, du 8 septembre 2022, la commission a précisé que les agents publics qui entrent dans le champ d’application du dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle, à l’instar des personnels de recherche des établissements publics, détiennent également des droits de propriété intellectuelle sur les œuvres de l’esprit qu’ils créent. En l'espèce, la commission estime que si les documents sollicités se rapportent à des projets de recherche grevés de droits d'auteur n’ayant pas fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, ils ne pourront être communiqués à des tiers qu'avec l'autorisation du ou des personnels de recherche menant ces projets de recherche, y compris s’il s’agit d’agents publics. Elle relève, toutefois, que le registre de suivi des animaux n’entre en principe pas, eu égard aux mentions qu’il est supposé contenir, dans le champ des documents communicables sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique. Il n’en irait différemment que s’il faisait apparaître la description d’un projet de recherche grevé de droits d'auteur n’ayant pas fait l'objet d'une divulgation. La commission émet donc, dans ces conditions et sous l’ensemble de ces réserves, un avis favorable à la demande.