Avis 20227588 Séance du 12/01/2023
Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 7 décembre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, des documents suivants conservés aux Archives départementales des Hautes-Alpes sous les cotes :
1) 1165 W et 1777 W : sous-préfecture de Briançon :
- 1164 W 64, 64 et 79 : gendarmerie, poste frontière de Montgenèvre, renseignements généraux : rapports (1970-1978) et note de renseignements du poste frontière de Montgenèvre (1978) ;
- 1777 W 46 : rapports police, gendarmerie, direction départementale du contrôle de l’immigration (1994) ;
2) 1100 W, 1220 W : Préfecture des Hautes-Alpes - Cabinet :
- 1100 W 11, 20 : contrôles à la frontière ; rapport d’activité de la police de l’air et des frontières : contrôles de passages frontaliers (1968-1980) ;
- 1220 W 73 : direction départementale du travail et de l’emploi : priorité à l’emploi, lutte contre le travail clandestin (1990-1996) ;
3) 1309 W : Préfecture des Hautes-Alpes - Bureau des étrangers :
- 1309 W 54, 55, 60 : étrangers : états mensuels, infractions, séjours, travail, immigration clandestine ; reconduites, expulsions, refus de séjours et rapatriements, demandeurs d’asiles prétendant au statut de réfugié, immigration clandestine. Algériens : correspondance, primo immigrants, carnet de récépissé, procès-verbaux de gendarmerie, jugements, divers (1977-1987) ;
4) 1856 W : Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale :
- 1856 W 14 : dossiers de contrôle concernant des moniteurs de ski non immatriculés à l’URSSAF, réponses aux demandes de cotisants ou demandes effectuées par le contrôleur des vérifications de déclarations uniques d’embauches, courriers de délation (2000-2008).
La commission, qui a pris connaissance des observations du directeur général des patrimoines, rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, selon le 3° du I de cet article, les documents qui comportent des informations dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée ne deviennent librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier.
La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
En l'espèce, la commission relève qu'un refus implicite a été opposé par le préfet des Hautes-Alpes à la demande d'autorisation d’accès par dérogation qui luI a été adressée. Elle rappelle, en effet, qu’en application de l’article L213-3 du code du patrimoine, l’administration dispose d’un délai légal de deux mois pour répondre aux demandes d’accès aux archives publiques par dérogation aux délais légaux de communicabilité (article L213-3 du code du patrimoine). En l'espèce, l'administration des archives était ainsi tenue de rejeter cette demande.
La commission rappelle, ensuite, que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’Etat a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En l'espèce, la commission relève au vu des informations apportées par le directeur général des patrimoines, compte tenu notamment de la nature scientifique des recherches de Madame X, de la signature par cette dernière d'un engagement de réserve et de l'autorisation qu’elle a obtenue de consulter des documents similaires dans un département voisin, que l'intérêt légitime de la demanderesse est en l'espèce de nature à justifier la consultation anticipée des fonds d’archives demandés, sans qu’il soit porté une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi, à l'exception toutefois d'un dossier de la cote 1100 W 11 consacré au personnel de la police de l'air et des frontières, mentionné dans la réponse du directeur général des patrimoines.
Elle émet donc un avis favorable à la demande de consultation de Madame X, à l’exception de ce dossier.