Avis 20227105 Séance du 15/12/2022

Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 31 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre de recherches scientifiques pour la rédaction d'un mémoire, des documents conservés aux Archives départementales de Loire-Atlantique sous les cotes : 1) 3 U 5 / 1232-1426 : dossiers de procédure du tribunal correctionnel concernant les outrages publics à la pudeur et attentats aux mœurs (1918-1969) ; 2) 3 U 5 / 1160-1213 : minutes de jugements du tribunal correctionnel concernant les outrages publics à la pudeur et attentats aux mœurs (1918-1969). En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines a indiqué à la commission que son refus est motivé par l'absence de réponse du greffe du Tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, dont l'accord est requis par les dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine. Tenue par le I de l'article L213-3 du code du patrimoine, la direction générale des patrimoines ne pouvait qu'opposer un refus à la demande de Monsieur X. La commission rappelle qu'elle est compétente, en vertu des dispositions de l’article L342-1 du code des relations entre le public et l'administration, pour émettre un avis sur la communication au demandeur, en application des dispositions des articles L213-1 à L213-3 du code du patrimoine, par les services qui le conservent, des documents sollicités qui constituent des documents d’archives publiques, au sens de l’article L211-1 de ce même code. La commission relève également qu’en vertu du c) du 4° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, les dossiers d'affaires portées devant les juridictions deviennent librement communicables à l’expiration d’un délai de soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou d’un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l’intéressé si ce dernier délai est plus bref. Les dossiers demandés sont donc librement communicables pour partie, et le seront intégralement au plus tard en 2044. La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’Etat a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En l'espèce, la commission prend note de la signature par Monsieur X d'un engagement de réserve ainsi que de la nature scientifique de ses recherches. En outre, la commission relève que les Archives départementales de Loire Atlantique ont émis un avis favorable à la consultation de ces dossiers. Enfin, la commission constate que Monsieur X a reçu un avis favorable pour la consultation de dossiers similaires de la part d'un autre tribunal. Aux termes de la mise en balance des intérêts en présence, la commission estime que l’intérêt légitime du demandeur est en l’espèce de nature à justifier la consultation anticipée des fonds d’archives demandés, sans qu’il soit porté une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. Elle émet, par suite, un avis favorable à la demande.