Avis 20226685 Séance du 24/11/2022

Maître X, conseil de l’association « X » (X), a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 juillet 2022, à la suite du refus opposé par la Première ministre à sa demande de déclassification et communication des documents suivants : 1) l’ensemble des licences d’exportation accordées aux entreprises soumises aux dispositions de l’article L2335‐3 du code de la défense, portant sur les matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments visés au I° de l’article L2331‐1 du code de la défense, à destination des pays impliqués dans la guerre du Yémen ; 2) l’ensemble des avis motivés préalables à l’octroi des licences susvisées, rendus par la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre instituée par le décret n° 55‐965 du 16 juillet 1955 portant réorganisation de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (modifié par le décret n° 2012‐1176 du 23 octobre 2012). La commission rappelle qu’aux termes de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration : « Ne sont pas communicables : (…) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : a) Au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ; b) Au secret de la défense nationale ; c) A la conduite de la politique extérieure de la France ; d) A la sûreté de l'État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information des administrations ; (…). ». En l'espèce, la Commission comprend que la plupart des documents sollicités sont couverts par le secret de la défense nationale. Elle déduit par ailleurs des observations portées à sa connaissance que ces documents sont, selon les cas, susceptibles de porter atteinte au secret des délibérations du Gouvernement, pour les dossiers qui impliquent l’arbitrage d’un cabinet ministériel, au secret de la politique extérieure de la France en ce que leur divulgation révèle une appréciation des autorités françaises sur les États destinataires et permet de subodorer la nature des relations diplomatiques entre les autorités françaises et ces différents États, et enfin, à la sûreté de l'État, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, dans la mesure où leur communication révèlerait indirectement des informations sensibles sur l’activité des exportateurs et de leurs partenaires commerciaux ainsi que, dans certains cas, sur le pays de destination. Compte tenu de la spécificité des biens en cause et de la finalité du contrôle de leur exportation, la Commission estime que la divulgation des documents demandés, qui permettrait notamment d’identifier les entreprises exportatrices et importatrices, qui préciserait la nature du bien concerné et qui révèlerait la nature des suites qui ont été données à leur demande, est susceptible de porter atteinte aux secrets protégés par les a) b), c) et d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration. Elle souligne que telle a été son appréciation s'agissant de demandes de communication de licences d'exportation adressées par des entreprises françaises au service des biens à double usage (avis de partie II n°s 20215653 et 20214846 du 25 novembre 2021 ; comp. aussi avis n° 20205569 du 25 mars 2021). La Commission rappelle au surplus que le secret des affaires, protégé par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, comprend le secret des stratégies industrielles et commerciales, le secret des procédés et le secret des informations économiques et financières. Ce secret est apprécié en tenant compte du caractère concurrentiel, ou potentiellement concurrentiel de l’activité exercée. En l’espèce, compte tenu de la spécificité des marchés en cause, des défis délicats que doivent relever les acteurs présents sur ces marchés, lesquels sont d’ailleurs peu nombreux, et de la valeur commerciale et stratégique de ces biens, la Commission estime que la communication des documents sollicités, en tant qu’elle dévoilerait notamment l’identité des entreprises exportatrices et des clients destinataires et la nature et les caractéristiques des biens concernés, aurait pour conséquence de révéler la spécialité et l’avancement technologique de ces entreprises et, partant, leur stratégie commerciale. Elle considère que ces documents sont protégés par le secret des affaires et ne sont, par suite, pas communicables en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Elle émet, dès lors, un avis défavorable à la demande.