Avis 20226655 Séance du 24/11/2022
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par des courriers enregistrés à son secrétariat le 26 octobre 2022, à la suite du refus opposé par la maire de Limalonges à ses demandes de communication par envoi de copies au lieu de la consultation sur rendez-vous en mairie proposée, des documents suivants :
1) les courriers électroniques que la mairie a adressés à la préfecture des Deux-Sèvres la concernant depuis son élection sur la liste municipale en 2020 ;
2) les courriers électroniques reçus des services de la préfecture en réponse aux demandes/observations écrites faites par la maire la concernant ;
3) les courriers électroniques adressés à la préfecture et la réponse des services de la préfecture après le X ;
4) les courriers électroniques adressés à la compagnie d’assurance qui couvre la commune dans le cadre du procès intenté par la maire contre elle au tribunal administratif ;
5) les courriers électroniques adressés au cabinet X dans le cadre du procès engagé par la mairie contre elle dans le but d’obtenir sa démission ;
6) les échanges de courriers électroniques avec Monsieur X dans le but d’obtenir une attestation de sa part ;
7) les échanges électroniques avec Monsieur X concernant l’attestation que la maire lui a demandé d’établir ;
8) la lettre de démission de son mandat de conseillère municipale de Madame X.
La commission relève, à titre liminaire, qu'en réponse à la demande qui lui a été adressée, la maire de Limalonges lui a indiqué, par courrier du 3 novembre 2022, que les documents sollicités aux points 6) et 7) n'existent pas. Elle ne peut donc que déclarer sans objet la demande d’avis sur ces points.
Elle note, en outre, que si la maire de Limalonges a transmis à la commission une copie de certains des autres documents sollicités, il ne lui appartient pas, conformément aux dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration, de procéder elle-même à la communication de ces documents à la demanderesse mais de rendre un avis sur leur caractère communicable ou non.
La commission rappelle, en premier lieu, qu’en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration : « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (…) ; 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. (…) ». Relèvent notamment de cette dernière réserve, les propos tenus par des tiers ainsi que les éventuels témoignages et attestations. La commission rappelle en effet que les lettres de plainte ou de dénonciation adressées à une administration, dès lors que leur auteur est identifiable, ou encore les témoignages recueillis par une administration, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par par la plainte ou la dénonciation en question. En revanche, les documents émanant d'agents ou d'autorités publiques établis dans le cadre de leurs fonctions, notamment d'un maire et de ses adjoints, ne sauraient être couverts par cette réserve.
La commission estime que les documents visés aux points 1) à 4) constituent des documents administratifs communicables à Madame X, sur le fondement de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve, s'agissant du courrier adressé par le maire à la préfecture des Deux-Sèvres en juin 2021, de l’occultation des propos relatés X, nonobstant la circonstance que l'identité de cette personne soit déjà connue de la demanderesse, dès lors que ces propos font apparaître le comportement de cette personne dont la divulgation pourrait lui porter préjudice.
Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur ces points.
La commission rappelle, en deuxième lieu, que le premier alinéa de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». En application de ces dispositions, le Conseil d'État (CE, Ass. 27 mai 2005, Département de l'Essonne) a jugé que l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, notamment les consultations juridiques rédigées par l'avocat à son intention, sont des documents administratifs couverts par le secret professionnel. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de cassation que le secret professionnel de l’avocat couvre l’ensemble des pièces du dossier ainsi que l’ensemble des correspondances échangées entre l’avocat et son client, y compris celles de ces correspondances qui n’ont pas de rapport direct avec la stratégie de défense – comme la convention d'honoraires, ou les facturations afférentes émises par l’avocat (Cour de cassation, Civ. 1ère, 13 mars 2008, pourvoi n° B05-11314).
Par conséquent, la commission estime que les courriers électroniques adressés au cabinet X dans le cadre du procès engagé par la commune contre Madame X dans le but d’obtenir sa démission, visés au point 5) de la demande, ne sont pas communicables dès lors que ces documents sont protégés par le secret professionnel.
Elle émet, dès lors, un avis défavorable sur ce point.
La commission estime, en troisième lieu, que le courrier de démission d’un élu local est un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l’occultation, le cas échéant, des mentions protégées par l'article L311-6 du même code, à savoir celles couvertes par le secret de la vie privée, en particulier les coordonnées personnelles du conseiller municipal concerné, qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable autre que le demandeur, ou qui font apparaître le comportement d'une personne physique ou morale, autre que le demandeur, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait porter préjudice à cette personne.
En l'espèce, la commission, qui a pris connaissance du courrier sollicité, considère que celui-ci revêt un caractère purement objectif et ne comporte aucune mention susceptible d'être couverte par l'un des secrets protégés sur le fondement de l'article L311-6 précité.
Elle émet donc un avis favorable sur le point 8).
La commission relève, en dernier lieu, qu'en réponse aux demandes préalables adressées par Madame X, la maire de Limalonges lui a indiqué que les documents sollicités pouvaient être consultés en mairie. La commission constate toutefois que les demandes de Madame X portent non sur une consultation sur place, mais sur l’envoi d’une copie papier ou numérique des documents.
La commission précise, à cet égard, qu'en vertu de l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document, soit par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6 du même code. La commission précise enfin que l'administration ne peut refuser la communication d'un document sollicité sous format électronique, au profit d'autres modalités de communication, que lorsqu'elle n'en dispose pas sous cette forme.
La commission invite en conséquence la maire de Limalonges à procéder à la communication des documents communicables en application du présent avis par courrier électronique si ceux-ci sont disponibles sous ce format, ou, à défaut, par copie, selon les modalités rappelées ci-dessus.