Avis 20226392 Séance du 24/11/2022
Madame X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 18 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Saint-Jean-de-Braye à sa demande de communication, de préférence par voie électronique, ou à défaut, par voie postale, des documents suivants :
1) le contrat à durée indéterminée de Madame X et tous ses avenants ;
2) l’arrêté municipal portant attribution de la prime de responsabilité à Madame X ;
3) les bulletins de paie de Madame X du 1er janvier 2021 au 30 juin 2022 ;
4) le relevé des payes versées (extrait du grand livre) entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2022 concernant Madame X ;
5) l'arrêté municipal portant attribution d'un véhicule de service à Madame X ;
6) l’intégralité des contrats des animateurs non permanents recrutés entre le 1er avril et le 31 août 2022.
A titre liminaire, la commission rappelle qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur le droit d’information que les représentants du personnel et les organisations syndicales peuvent tirer, en cette qualité, de textes particuliers. Ces derniers peuvent en revanche se prévaloir, comme tout administré, du livre III du code des relations entre le public et l'administration et des régimes particuliers énumérés aux articles L342-1 et L342-2 de ce code pour obtenir la communication de documents.
En premier lieu, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le maire de Saint-Jean-de-Braye a indiqué à la commission, d'une part, que les documents sollicités aux points 1), 3), 4) et 5) de la demande ont été communiqués à Madame X, par courrier du 21 novembre 2022, dont une copie lui est jointe et que, d'autre part, le document mentionné au point 2) n'existe pas. La commission ne peut donc que déclarer sans objet la demande d’avis sur ces cinq points.
En second lieu, la commission souligne que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Il en est ainsi, notamment, des arrêtés de nomination, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime cependant que, si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime.
Ainsi, s'agissant des éléments de rémunération, la commission est défavorable à la communication des informations liées, soit à la situation familiale et personnelle (supplément familial), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur la manière de servir de l'agent (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement), ou encore de celles relatives aux horaires de travail, aux indemnités et heures supplémentaires. Il en va de même, pour le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent.
La commission précise en outre qu'elle a fait évoluer sa position, ancienne (conseils 20101148 du 29 mars 2010 et 20104024 du 14 octobre 2010), en ce qui concerne le temps de travail des agents publics et fonctionnaires et considère désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procéderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée.
La commission souligne également que le Conseil d’État (CE 24 avril 2013 n° 343024 et CE 26 mai 2014 n° 342339) a précisé que lorsque la rémunération qui figure dans le contrat de travail ou le bulletin de salaire d'un agent public résulte de l'application des règles régissant l'emploi concerné, sa communication à un tiers n'est pas susceptible de révéler sur la personne recrutée une appréciation ou un jugement de valeur, au sens des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, mais qu'en revanche, lorsqu'elle est arrêtée d'un commun accord entre les parties sans référence à des règles la déterminant, la rémunération révèle nécessairement une telle appréciation ou un tel jugement de valeur. Dans ce cas, le contrat de travail peut être communiqué après occultation des éléments relatifs à la rémunération, tandis que la communication du bulletin de salaire, qui serait privée de toute portée sans la rémunération, ne peut être opérée.
En application de ces principes, la commission émet un avis favorable au point 6) de la demande, en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation des mentions relevant du secret de la vie privée ou révélant une appréciation ou un jugement de valeur sur l'agent.