Avis 20226272 Séance du 24/11/2022

Maître X, conseil de la société X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général de la Société IN'LI à sa demande de copie, par courrier électronique, wetransfer ou tout autre lien, des documents suivants concernant l'accord-cadre ayant pour objet la désignation d’un assistant à maîtrise d’ouvrage pour le renouvellement des marchés relatifs au nettoyage des parties communes et/ou manutention des déchets ménagers, passé par les sociétés X, pouvoirs adjudicateurs, dans les départements de Paris (75), Seine-et-Marne (77), Yvelines (78), Seine-Saint-Denis (93), Val-de-Marne (94), Val-d’Oise (95) et de l’Oise (60) : 1) le rapport de présentation de la procédure ; 2) le rapport d’analyse des offres intégral avec indication des notes obtenues pour chaque critère et sous‐critère de jugement des offres en indiquant les caractéristiques et les avantages de l’offre de l’attributaire, justifiant les notes obtenues pour chaque critère et sous‐critères de jugement des offres ; 3) les courriers de convocation des membres de la commission d‘appel d’offres, les procès‐verbaux de la commission d’appel d’offres et son avis motivé ; 4) le dossier de candidature de l’attributaire ; 5) les différents certificats et attestations des articles R2143‐6 à R2143‐10 du code de la commande publique, produits par l’attributaire, à l’appui de sa candidature et de son offre ; 6) la méthode de notation utilisée pour noter les critères et sous‐critères de jugement des offres. La Commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. En application de ces principes, la Commission émet un avis favorable à la communication du document mentionné au point 1). Elle émet, en outre, un avis favorable à la communication des documents mentionnés aux points 2) et 3), sous la réserve rappelée conduisant à occulter les mentions protégées par le secret des affaires. En second lieu, la Commission relève qu'aux termes de l'article L2141-2 du code de la commande publique : « Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui n'ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale ou sociale ou n'ont pas acquitté les impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles. La liste de ces impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales est fixée par un arrêté du ministre chargé de l'économie annexé au présent code ». Aux termes de l'article R2143-7 du même code : « L'acheteur accepte comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'exclusion mentionné à l'article L2141-2, les certificats délivrés par les administrations et organismes compétents. La liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales devant donner lieu à délivrance d'un certificat ainsi que la liste des administrations et organismes compétents figurent dans un arrêté du ministre chargé de l'économie annexé au présent code. Le candidat établi à l'étranger produit un certificat établi par les administrations et organismes de son pays d'origine ou d'établissement ». Par ailleurs, sur le fondement de l'article R2143-9 du code de la commande publique, afin de prouver qu'il ne se trouve pas dans un des cas d'exclusion mentionné à l'article L2141-3 (c'est-à-dire en situation de liquidation judiciaire, de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer ou de redressement judiciaire), « le candidat produit son numéro unique d'identification permettant à l'acheteur d'accéder aux informations pertinentes par le biais d'un système électronique mentionné au 1° de l'article R2143-13 ou, s'il est étranger, produit un document délivré par l'autorité judiciaire ou administrative compétente de son pays d'origine ou d'établissement, attestant de l'absence de cas d'exclusion ». Les attestations de régularité fiscale et sociale du candidat retenu, dont la communication est demandée, participent des pièces d'un marché public, dans la mesure où leur production est exigible, sur le fondement des articles précités du code de la commande publique, pour toute candidature à un marché public. Compte-tenu du caractère général de ces attestations fournies par la direction générale des finances publiques et l’URSSAF, visant à attester de la régularité de la situation des entreprises vis-à-vis de leurs obligations fiscales et sociales, et de l’absence de mentions couvertes par le secret des affaires, la Commission estime que ces documents sont communicables à toute personne en faisant la demande. S'agissant de l'attestation d'assurance remise par le titulaire du marché à l'occasion de la consultation, la Commission estime que ce document administratif est communicable à toute personne en faisant la demande sous réserve de l'occultation des mentions qui seraient protégées par le secret des stratégies commerciales, lesquelles comprennent les choix opérés par la société en matière d'assurances (niveaux de garanties, étendue de la couverture, procédés de fabrication assurés, etc.). Enfin, l’extrait K-Bis d’immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés contient des informations relatives à l’identification de la personne morale, à l’activité de l’entreprise, certaines informations complémentaires relatives aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaire, ou encore les modalités générales de contrôle et de gestion de la société. Ces dernières mentions peuvent contenir des informations relevant de la vie privée du gérant ou de l’équipe dirigeante (adresse personnelle, date et lieu de naissance, nationalité, etc.). La Commission considère par conséquent que ce document est communicable à toute personne en faisant la demande sous réserve des mentions susceptibles d’être couvertes par le secret de la vie privée. En application de ces principes, la Commission émet, sous réserve de l'occultation des mentions couvertes par le secret des affaires ou, le cas échéant, le secret de la vie privée, un avis favorable à la communication des documents sollicités au point 4), dont la Commission comprend qu'ils portent sur la candidature de l'attributaire et non sur son offre, et au point 5) de la demande. En troisième lieu, la Commission rappelle qu'elle a précisé dans son avis de partie II n° 20221510 du 12 mai 2022, que la méthode de notation des offres utilisée par le pouvoir adjudicateur est librement et immédiatement communicable dès lors qu’elle figure dans le dossier de consultation des entreprises. En revanche, lorsque cette dernière n’a pas entendu en informer les candidats dans le cadre de la procédure de consultation, comme l’y autorise la jurisprudence administrative (CE, 31 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, n° 334279 ; CE, 21 mai 2010, Commune d’Ajaccio, n° 333737), la méthode de notation utilisée ne deviendra communicable qu’une fois le marché signé. Ce document, s’il comporte une information générale telle qu’une formule mathématique ou une échelle de notation, sera alors librement communicable à toute personne en faisant la demande. La Commission considère en revanche que dans l’hypothèse où la réunion des informations relatives aux éléments permettant d'apprécier les critères et à la méthode de notation de ces mêmes critères permettrait, par recoupement, de déterminer directement, à partir de l'offre globale de l'ensemble des candidats, la note et le classement obtenus par les candidats non retenus, la communication de la méthode de notation à des tiers aurait pour effet de révéler la stratégie commerciale de ces derniers et partant, porterait atteinte au secret des affaires. De la même manière, la Commission estime que la communication des simulations financières calculées sur la base d'un chantier masqué ou d’une simulation de commande serait de nature à révéler la stratégie commerciale des candidats, au même titre que leur bordereau des prix unitaires ou leur détail quantitatif estimatif. Par suite ces documents ne sont pas communicables sur le fondement des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. La commission estime, par suite, que la méthode de notation des offres utilisée par le pouvoir adjudicateur, visée au point 6) de la demande, est communicable sous ces réserves et conditions.