Avis 20226235 Séance du 24/11/2022
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 17 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le préfet du Pas-de-Calais à sa demande de copie, dans un format numérique ouvert et réutilisable, des documents suivants relatifs aux marchés publics passés avec l'association « X » dans le cadre de la prise en charge des populations exilées à Calais depuis 2013 :
1) l'avis d'appel public à la concurrence ;
2) les cahiers des clauses administratives et techniques particulières (CCAP et CCTP) ;
3) le règlement de la consultation ;
4) les plans et autres documents annexes mis à la disposition des candidats, le bordereau de prix unitaire « vierge » (non complété par les candidats) ;
5) l'avis d'attribution ;
6) la liste des candidats admis à présenter une offre ;
7) le rapport de présentation du marché ;
8) le procès‐verbal d’ouverture des plis, des candidatures ou des offres ;
9) le rapport d’analyse des offres, les éléments de notation et de classement ;
10) les échanges avec les candidats lors de l'éventuelle négociation, les questions posées et les réponses, les régularisations, etc. ;
11) la lettre de notification du marché ;
12) la lettre de candidature (formulaire DC1 ou DC2) ;
13) le dossier de candidature ;
14) l'état annuel des certificats reçus ;
15) l'offre de prix globale du dossier de l'entreprise retenue ;
16) l'offre de prix globale des dossiers des entreprises non retenues ;
17) les bons de commande et factures ;
18) les ordres de service ;
19) le procès‐verbal de réception ;
20) le décompte final, le décompte global et définitif ;
21) le calendrier d'exécution ;
22) les avenants ;
23) l'acte de sous‐traitance, le formulaire « DC4 » ;
24) les pièces justificatives à l'appui du règlement financier.
1. Principes de communication :
En l’absence de réponse exprimée par le préfet du Pas-de-Calais à la date de sa séance, la Commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s'y rapportent sont considérés comme des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code.
Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan, n° 375529, que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 précité, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne peuvent être communiqués à toute personne qui en fait la demande qu’après occultation de la mention des prix unitaires ou du détail de la décomposition du prix global forfaitaire.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
La Commission rappelle, en deuxième lieu, qu'en application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, les sous-traitants doivent être agréés par le maître d'ouvrage pour bénéficier d'un droit au paiement direct. En l'absence de cet agrément, les actes de sous-traitance et quitus des sous-traitants relèvent uniquement des relations commerciales entre deux entreprises privées. Le code des relations entre le public et l’administration s'applique, en revanche, aux demandes de communication de tels actes lorsque la sous-traitance a fait l'objet d'un agrément. Dans cette seconde hypothèse, les actes de sous-traitance ou le formulaire DC4 sont librement communicables dans les conditions précédemment rappelées liées au secret des affaires applicables à l’entreprise attributaire.
En troisième lieu, la Commission a également précisé sa doctrine relative aux différents échanges intervenant entre l'administration et les candidats dans le cadre de la procédure de passation d'un marché public, dans un avis de partie II n° 20221914 du 12 mai 2022. La Commission constate ainsi que la liste des questions formulées par les candidats en cours de procédure et les réponses qui y sont apportées par le pouvoir adjudicateur, est, en application des principes de transparence des procédures et d’égalité de traitement des candidats, portée à la connaissance de l’ensemble des candidats, le plus souvent par voie de publication sur le profil acheteur de l’administration concernée. Dès lors qu’elle conserve un caractère général, en ce qu’elle ne révèle aucun détail technique ou financier d’une offre particulière, la Commission estime que cette liste est librement communicable à toute personne en faisant la demande.
La Commission relève ensuite que le code de la commande publique autorise les acheteurs à demander aux candidats concernés de régulariser leur candidature ou leur offre, dans certaines conditions fixées par les textes. Dans la mesure où les dossiers de candidature des candidats non retenus ne sont pas communicables (Conseil n° 20065427 du 21 décembre 2006), la Commission considère que les demandes de régularisation de ces dossiers ne le sont pas davantage. En revanche, la Commission estime que les demandes de régularisation du dossier de candidature de l’attributaire, ainsi que les demandes de régularisation des offres de l’ensemble des candidats, sont communicables à toute personne en faisant la demande, sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires.
S’agissant des échanges ou comptes rendus intervenant dans le cadre des négociations, d’une demande de précision ou d’une mise au point, la Commission considère que, dans la mesure où ceux-ci ont pour objet d’éclairer le pouvoir adjudicateur sur les éléments techniques et financiers de l’offre remise par le candidat ou de faire évoluer ces éléments, ces documents révèlent, par nature, la stratégie commerciale de l’entreprise concernée et, à ce titre, sont entièrement couverts par le secret des affaires (avis n° 20122602 du 26 juillet 2012). Ces documents ne sont, par conséquent, pas communicables.
Enfin, la Commission estime que les procès-verbaux de négociation, dans la mesure où ils se limitent à décrire la procédure de négociation et son organisation (durée, dates, personnes présentes, etc.) sans pour autant révéler le contenu des échanges intervenus, sont librement communicables à toute personne en faisant la demande.
2. Application au cas d’espèce :
En application de ces principes, la Commission estime, en premier lieu, que les documents mentionnés aux points 1) à 6), et 11), qui se rapportent à la procédure de passation d’un marché public, ainsi que 15) et 16) sont librement communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Elle émet dès lors un avis favorable sur ces points.
La Commission considère, en deuxième lieu, que les documents mentionnés aux points 7), 8), 9), 12), 13) et 14), en tant seulement qu’ils concernent l’attributaire, sont également librement communicables aux tiers, sous la réserve tenant au secret des affaires et, le cas échéant, s’agissant du dossier de candidature de l’attributaire (extrait K-Bis notamment), au secret de la vie privée. Elle considère en revanche que ces documents, en tant qu’ils concernent les candidats non retenus, ne sont pas communicables aux tiers.
Elle émet donc, dans cette mesure et sous ces réserves, un avis favorable sur ces points.
La Commission considère, en troisième lieu, s'agissant du point 10) de la demande, que les échanges intervenus lors des éventuelles négociations, ainsi que les demandes de régularisation des dossiers de candidature des entreprises non retenues ne sont pas communicables. Elle estime, en revanche, que les questions posées et les réponses apportées, ainsi que les demandes de régularisation du dossier de candidature de l’attributaire, et les demandes de régularisation des offres de l’ensemble des candidats, sont communicables à toute personne en faisant la demande, dans les conditions sus-rappelées et sous la réserve tenant au secret des affaires.
Elle émet donc, dans cette mesure et sous ces réserves, un avis favorable sur ce point.
La Commission considère, en dernier lieu, que les documents mentionnés aux points 17) à 24), qui se rapportent à l'exécution du marché public, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sous la réserve tenant au secret des affaires et notamment, s’agissant des factures et bons de commande mentionnés au point 17), de l’occultation des éventuels prix unitaires et, s’agissant du point 23), que le sous-traitant ait été agréé par le pouvoir adjudicateur.
La Commission précise néanmoins, s’agissant du calendrier d’exécution visé au point 21) de la demande, que ce n’est que dans l’hypothèse où celui-ci aurait été fixé par le pouvoir adjudicateur dans les pièces de la consultation qu’il serait librement communicable à toute personne en faisant la demande. En revanche, si ce document a été établi par le titulaire à l’appui de son mémoire technique il serait protégé par le secret des affaires et, à ce titre, ne serait pas communicable.
Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur ces points.