Avis 20226076 Séance du 03/11/2022
Maître X, conseil de l'entreprise de plomberie - chauffage - ventilation de Monsieur X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 12 septembre 2022, à la suite du refus opposé par le ministre des armées à sa demande de communication des documents suivants relatifs au lot X, département de l’Ardèche (07) et de la Drôme (26), de l’accord-cadre de dépannage multi-corps d’état pour le traitement des petites interventions de type « X » avec mise en place d’une astreinte hors heures et jours ouvrés pour la base de défense de Lyon – Valence – La Valbonne :
1) les motifs du rejet de l'offre de sa cliente ;
2) les caractéristiques et avantages de l’offre retenue ;
3) les coordonnées précises de l’attributaire ;
4) la liste des candidats ayant présenté des candidatures et offres recevables ;
5) le procès‐verbal d’ouverture des plis, des candidatures et des offres ;
6) le rapport d’analyse des candidatures et des offres, les éléments de notation et de classement ;
7) la méthode de notation utilisée ;
8) l’ensemble des échanges avec les candidats lors de l'éventuelle négociation, les questions posées et les réponses, les régularisations ;
9) la lettre de candidature (formulaires DC1 et DC2) de l’attributaire ;
10) le dossier de candidature de l’attributaire ;
11) l’état annuel des certificats reçus de l’attributaire ;
12) l’offre de prix globale de l’attributaire ;
13) l’acte d’engagement et les annexes de l’attributaire ;
14) les marques et produits proposés par le candidat retenu dans son offre.
La Commission rappelle, à titre liminaire, que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur les points 1) à 3) de la demande, qui porte en réalité sur des renseignements.
La commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil X0221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
En second lieu, s’agissant des dossiers de candidatures, après avoir rappelé que les dossiers de candidature des candidats non retenus ne sont pas communicables (Conseil X0065427 du 21 décembre 2006), la Commission relève que les attestations de régularité fiscale et sociale du candidat retenu participent des pièces d'un marché public, dans la mesure où leur production est exigible, sur le fondement des articles précités du code de la commande publique, pour toute candidature à un marché public. Compte-tenu du caractère général de ces attestations fournies par la Direction générale des finances publiques et l’URSSAF, visant à attester de la régularité de la situation des entreprises vis-à-vis de leurs obligations fiscales et sociales, et de l’absence de mentions couvertes par le secret des affaires, la Commission estime que ces documents sont communicables à toute personne en faisant la demande.
S'agissant de l'attestation d'assurance remise par le titulaire du marché à l'occasion de la consultation, la Commission estime que ce document administratif est communicable à toute personne en faisant la demande sous réserve de l'occultation des mentions qui seraient protégées par le secret des stratégies commerciales, lesquelles comprennent les choix opérés par la société en matière d'assurances (niveaux de garanties, étendue de la couverture, procédés de fabrication assurés, etc.).
Enfin, l’extrait K-Bis d’immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés contient des informations relatives à l’identification de la personne morale, à l’activité de l’entreprise, certaines informations complémentaires relatives aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaire, ou encore les modalités générales de contrôle et de gestion de la société. Ces dernières mentions peuvent contenir des informations relevant de la vie privée du gérant ou de l’équipe dirigeante (adresse personnelle, date et lieu de naissance, nationalité, etc.). La Commission considère par conséquent que ce document est communicable à toute personne en faisant la demande sous réserve des mentions susceptibles d’être couvertes par le secret de la vie privée.
En application de ces principes, la Commission estime que sont communicables, sans réserves, les documents mentionnés aux points 4) et 12).
Elle considère également que sont communicables, sous les réserves et dans les conditions sus-rappelées, les documents visés aux points 5), 9) à 11) et 13), ainsi que les documents visés au point 6) en tant seulement qu’ils concernent seulement l’attributaire.
La Commission émet en revanche un avis défavorable à la communication des documents visés au point 14) de la demande, en ce qu’ils sont établis par le titulaire dans son mémoire technique.
En troisième lieu, la Commission a également précisé dans son avis de partie II X0221510 du 12 mai 2022, que la méthode de notation des offres utilisée par le pouvoir adjudicateur est librement et immédiatement communicable dès lors qu’elle figure dans le dossier de consultation des entreprises. En revanche, lorsque cette dernière n’a pas entendu en informer les candidats dans le cadre de la procédure de consultation, comme l’y autorise la jurisprudence administrative (CE, 31 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, n° 334279 ; CE, 21 mai 2010, Commune d’Ajaccio, n° 333737), la méthode de notation utilisée ne deviendra communicable qu’une fois le marché signé. Ce document, s’il comporte une information générale telle qu’une formule mathématique ou une échelle de notation, sera alors librement communicable à toute personne en faisant la demande.
La Commission considère en revanche que dans l’hypothèse où la réunion des informations relatives aux éléments permettant d'apprécier les critères et à la méthode de notation de ces mêmes critères permettrait, par recoupement, de déterminer directement, à partir de l'offre globale de l'ensemble des candidats, la note et le classement obtenus par les candidats non retenus, la communication de la méthode de notation à des tiers aurait pour effet de révéler la stratégie commerciale de ces derniers et partant, porterait atteinte au secret des affaires. De la même manière, la Commission estime que la communication des simulations financières calculées sur la base d'un chantier masqué ou d’une simulation de commande serait de nature à révéler la stratégie commerciale des candidats, au même titre que leur bordereau des prix unitaires ou leur détail quantitatif estimatif. Par suite ces documents ne sont pas communicables sur le fondement des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.
Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable au point 7) de la demande.
En quatrième lieu, la Commission rappelle qu’elle a précisé sa doctrine relative aux différents échanges intervenant entre l'administration et les candidats dans le cadre de la procédure de passation d'un marché public, dans un avis de partie II X0221914 du 12 mai 2022. La Commission constate ainsi que la liste des questions formulées par les candidats en cours de procédure et les réponses qui y sont apportées par le pouvoir adjudicateur, est, en application des principes de transparence des procédures et d’égalité de traitement des candidats, portée à la connaissance de l’ensemble des candidats, le plus souvent par voie de publication sur le profil acheteur de l’administration concernée. Dès lors qu’elle conserve un caractère général, en ce qu’elle ne révèle aucun détail technique ou financier d’une offre particulière, la Commission estime que cette liste est librement communicable à toute personne en faisant la demande.
La Commission relève ensuite que le code de la commande publique autorise les acheteurs à demander aux candidats concernés de régulariser leur candidature ou leur offre, dans certaines conditions fixées par les textes. Dans la mesure où les dossiers de candidature des candidats non retenus ne sont pas communicables (Conseil X0065427 du 21 décembre 2006), la Commission considère que les demandes de régularisation de ces dossiers ne le sont pas davantage. En revanche, la Commission estime que les demandes de régularisation du dossier de candidature de l’attributaire, ainsi que les demandes de régularisation des offres de l’ensemble des candidats, sont communicables à toute personne en faisant la demande, sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires.
S’agissant des échanges ou comptes rendus intervenant dans le cadre des négociations, d’une demande de précision ou d’une mise au point, la Commission considère que, dans la mesure où ceux-ci ont pour objet d’éclairer le pouvoir adjudicateur sur les éléments techniques et financiers de l’offre remise par le candidat ou de faire évoluer ces éléments, ces documents révèlent, par nature, la stratégie commerciale de l’entreprise concernée et, à ce titre, sont entièrement couverts par le secret des affaires (avis X0122602 du 26 juillet 2012). Ces documents ne sont, par conséquent, pas communicables.
Enfin, la Commission estime que les procès-verbaux de négociation, dans la mesure où ils se limitent à décrire la procédure de négociation et son organisation (durée, dates, personnes présentes, etc.) sans pour autant révéler le contenu des échanges intervenus, sont librement communicables à toute personne en faisant la demande.
En application de ces principes, la Commission considère, s'agissant du point 8) de la demande, que les échanges intervenus lors des éventuelles négociations ou d’une mise au point, ainsi que les demandes de régularisation des dossiers de candidature des entreprises non retenues ne sont pas communicables.
La Commission estime, en revanche, que les questions posées et les réponses apportées, ainsi que les demandes de régularisation du dossier de candidature de l’attributaire, et les demandes de régularisation des offres de l’ensemble des candidats, sont communicables à toute personne en faisant la demande, dans les conditions sus-énoncées et sous la réserve tenant au secret des affaires.
Elle émet donc un avis favorable sur ce point, sous ces réserves et conditions.