Conseil 20226046 Séance du 03/11/2022

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 3 novembre 2022, votre demande de conseil du 12 juillet 2022 relative au caractère abusif de la demande de documents de Maître X, au sens de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, nécessitant pour la commune la reproduction de l'intégralité de 4 permis d'aménager dont tous les plans sont en format A0, et donc à faire reproduire chez un imprimeur, des 116 permis de construire avec l'ensemble des pièces et l'intégralité des consultations et avis, les dossiers « Loi sur l'eau », le Projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD) et le Plan local d'urbanisme (PLU) dans leur intégralité, avec des cartographies en format A0, sachant que la récupération de ces documents par voie numérique auprès des 116 architectes, auteurs des 116 permis de construire est matériellement impossible surtout dans le délai imparti, et compte tenu de la mobilisation considérable des moyens municipaux, de la lourdeur des recherches à effectuer, des contraintes techniques de reproduction et du volume des documents demandés. La Commission rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur le caractère abusif d’une demande présentée par une personne dans le cadre d'une demande de conseil dont l'instruction, par nature, n'est pas contradictoire. Cependant, elle propose de vous rappeler, à toutes fins utiles, les principes suivants. L’exercice du droit d’accès aux documents administratifs, garanti par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, a valeur constitutionnelle (décision du Conseil constitutionnel n° 2020-834, du 3 avril 2020). Toutefois, ce droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. La Commission souligne que le caractère abusif doit être apprécié pour chaque demande, compte tenu d’éléments circonstanciés. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande peut, en revanche, être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La Commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. Par sa décision du 14 novembre 2018 ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La Commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupéry, n° 426623). La Commission rappelle, en outre, que le droit à la communication des documents administratifs est un droit objectif. L'intérêt d'une communication pour le demandeur ou ses motivations ne peuvent donc, en principe, pas fonder un refus de communication. Elle relève, toutefois, que, dans un avis n° 20220207 du 10 mars 2022, elle a fait évoluer sa doctrine en retenant désormais que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620). La Commission relève que la qualification de demande abusive demeure exceptionnelle. Elle rappelle, en outre, que dans le cas de demandes de communication nécessitant des opérations lourdes pour l'administration, celle-ci est fondée à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l’administration peut inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place dans ses propres locaux et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Si le demandeur maintient son souhait de recevoir copie des documents, et que la reproduction des documents n'excède pas les possibilités techniques et les moyens de l'administration, celle-ci est fondée à en échelonner l'envoi dans le temps. Elle doit alors en aviser l'intéressé et, dans la mesure du possible, convenir avec lui d'un échéancier de communication. La Commission souligne, également, qu'en application de l'article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration, les frais correspondant au coût de reproduction des documents et, le cas échéant, d'envoi de ceux-ci peuvent être mis à la charge du demandeur. Les frais de reproduction et d’envoi peuvent être facturés dans le respect des textes en vigueur (article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration et arrêté du 1er octobre 2001), mais non le coût correspondant au surcroît de travail occasionné par la demande. Le paiement de ces frais, dont le demandeur doit être informé, peut être exigé préalablement à la remise des copies. Enfin, si l’administration ne dispose pas des moyens de reproduction nécessaires pour satisfaire une demande de communication, en raison notamment du format des documents sollicités, elle peut faire établir un devis auprès d’un prestataire de service extérieur. Il lui appartiendra alors d'adresser le devis de ce dernier au demandeur pour qu'il y donne suite, s'il y a lieu.