Avis 20225990 Séance du 24/11/2022
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 3 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur de l'établissement public de santé Alsace-Nord (EPSAN) à sa demande de communication du journal du patient de Monsieur X, son frère décédé au mois de juin 2022, établi sur les périodes de X à X et de X à X, afin de connaître les causes du décès et faire valoir ses droits.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur de l'EPSAN a indiqué à la commission qu'il avait déjà transmis à Madame X trois documents répondant, selon les médecins de l'EPSAN, à sa demande compte tenu des motifs invoqués, par un courrier du X dont il a joint une copie.
La commission rappelle que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical.
L’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur.
La commission précise que le Conseil d’Etat, dans une décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l’ordre des médecins, n° 270234, a interprété ces dispositions comme ayant entendu autoriser l’accès des ayants droit aux seules informations nécessaires à l’objectif qu’ils poursuivent. Il appartient dès lors au demandeur de spécifier à l’établissement de santé l’objectif poursuivi par la demande de communication du dossier médical du patient décédé, sans que l’établissement n’ait à mener d’investigations sur la réalité du motif invoqué.
La commission souligne que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant.
En l'espèce, la commission relève d'une part, que la qualité d’ayant droit de Madame X n’est pas contestée et, d’autre part, que la demande est motivée par l’objectif de connaître les causes de la mort et faire valoir ses droits. Elle constate, comme indiqué précédemment que des documents lui ont déjà été transmis. Elle comprend, d'autre part, que le patient décédé, frère de la demanderesse, a fait l'objet d'une prise en charge médicale au sein de l'EPSAN, centre hospitalier spécialisé dans la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques.
La commission précise, à toutes fins utiles, que lorsqu'une personne se suicide, les causes de la mort au sens de l’article L1110-4 du code de la santé publique ne peuvent être réduites au seul « passage à l’acte », mais comprennent l’ensemble des éléments susceptibles de l’expliquer, notamment l’état psychiatrique du défunt. Elle estime également que la circonstance que le décès serait intervenu en dehors des locaux d'un établissement de santé est sans incidence sur la détermination des causes de la mort et la possibilité d’en trouver, le cas échéant, des éléments de compréhension au sein du dossier médical.
La commission estime par conséquent et sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès, que doivent être notamment communiqués à ses ayants droits l’ensemble des éléments susceptibles, directement ou indirectement, d’établir ou d’écarter d’éventuels liens - quels qu’ils soient - entre le suivi ou l’hospitalisation et l’état de santé du défunt au cours de ceux-ci et son suicide, qu’il s’agisse d’informations relatives à son comportement, aux pathologies diagnostiquées, aux traitements suivis, aux conditions de sa sortie ou encore à l’existence ou l’absence de risques de passage à l’acte. Elle précise à cet égard que, dans de telles conditions, une communication large du dossier se justifie (v. conseil de partie II n° 20223495 du 7 X 2022).
En l'espèce, la commission relève que Madame X a obtenu certains documents répondant à sa demande fondée sur les motifs « connaître les causes de la mort » et « faire valoir ses droits ». Elle ne peut donc que déclarer irrecevable la demande dans cette mesure. Elle estime néanmoins, à toutes fins utiles, que si d'autres documents répondant aux principes rappelés au paragraphe précédent existent, ceux-ci - tels que déterminés par l'équipe médicale - sont communicables à Madame X. Elle émet, dans cette mesure, un avis favorable.