Conseil 20225915 Séance du 03/11/2022
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 3 novembre 2022, votre demande de conseil relative au caractère communicable des listes électorales du département, à Monsieur X agissant pour le compte de l'association X, qui souhaite en utiliser les données pour envoyer des courriers aux électeurs afin de promouvoir son association et indique s'engager à ne pas en faire un usage commercial.
La commission rappelle, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L37 du code électoral : « Tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. / Tout candidat et tout parti ou groupement politique peuvent prendre communication et obtenir copie de l'ensemble des listes électorales des communes du département auprès de la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. »
La commission relève qu'en dehors des partis, candidats et groupements politiques, seuls les électeurs peuvent se voir communiquer les listes électorales. Pour en obtenir communication, le demandeur doit donc prouver qu'il a cette qualité. La commission estime, dans le silence des textes, que la preuve de la qualité d’électeur peut se faire par tout moyen, sans qu’il y ait lieu d’exiger la production d’un titre d’identité ou de la carte d’électeur. Elle considère qu’une attestation sur l’honneur peut suffire, dès lors que le demandeur produit les éléments permettant à l’administration de vérifier l’effectivité de son inscription sur une liste électorale, à savoir ses nom et prénom(s) et le nom de la commune où il allègue être inscrit.
La commission estime que l'association X ne s'apparente pas à un parti ou groupement politique susceptible de se voir communiquer les listes électorales. Néanmoins, la demande a en l'espèce été faite par une personne physique ayant justifié de sa qualité d'électeur. Ce dernier peut dès lors, en cette qualité, obtenir communication des listes électorales.
La commission rappelle, en second lieu, que le législateur subordonne l'exercice du droit d'accès aux listes électorales à l'engagement, de la part du demandeur, de ne pas en faire un usage commercial, afin d'éviter toute exploitation commerciale des données personnelles.
Elle estime qu’un engagement pris par écrit suffit en principe, qu’il soit formalisé dans un courriel ou dans un courrier sous format papier, pour justifier de cet engagement. Elle relève néanmoins que l'autorité compétente est fondée à rejeter la demande de communication dont elle est saisie s'il existe, au vu des éléments dont elle dispose, nonobstant l'engagement pris par le demandeur, des raisons sérieuses de penser que l'usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial (CE, 2 décembre 2016, n° 388979).
La commission considère que le caractère commercial ou non de l’usage des listes s’apprécie notamment au regard de l’objet de la réutilisation envisagée et de l’activité dans laquelle elle s’inscrit, la forme juridique retenue par le demandeur pour poursuivre cet objectif et l'existence ou l'absence de ressources tirées de cet usage constituant à cet égard de simples indices. A cet effet, elle estime qu'il est loisible à l'autorité compétente de solliciter du demandeur qu'il produise tout élément d'information de nature à lui permettre de s'assurer de la sincérité de son engagement, de ne faire de la liste électorale qu'un usage conforme aux dispositions de l'article L37 du code électoral. L'absence de réponse à une telle demande peut être prise en compte, parmi d'autres éléments, par l'autorité compétente afin d'apprécier, sous le contrôle du juge, les suites qu'il convient de réserver à la demande dont elle est saisie.
Elle observe que le législateur a étendu l’exigence d’un engagement d’un usage conforme des listes électorales au code électoral aux candidats et groupements ou partis et que cet engagement porte sur l'absence d'usage « commercial », et non plus seulement d'usage « purement commercial ». La loi a également donné sa pleine portée à ce dispositif préventif en l’assortissant de mesures répressives, puisque l'usage commercial d'une liste électorale pourra désormais être puni d'une amende de 15 000 euros. La commission précise que la suppression de l'adverbe « purement » n'a pas pour effet de la conduire à infléchir ou modifier sa doctrine, dès lors qu'elle regarde déjà comme purement commerciales non seulement la commercialisation des listes elles-mêmes, le cas échéant après retraitement, mais aussi leur utilisation dans le cadre d’une activité à but lucratif, et qualifie également d’usage purement commercial, au sens de véritablement commercial, les usages mixtes qui peuvent en être faits (par exemple, pour l’organisation d’une consultation populaire sur le maintien de la licence d’armateur délivrée à une société d’exploitation de ferrys, conseil n° 20094400 du 22 décembre 2009), seules les activités non commerciales pour le tout, comme le démarchage politique (avis n° 20071983 du 24 mai 2007) ou des actions d’intérêt général (conseil n° 20064862 du 9 novembre 2006) échappant à cette qualification. La commission estime que les listes électorales ne peuvent pas non plus être communiquées à des généalogistes professionnels, dès lors que l’emploi des listes électorales, qui facilite la recherche des héritiers d’une succession dans le cadre des contrats de révélation conclus par les généalogistes professionnels, participe nécessairement à l’exercice de l’activité de ces derniers, qui présente un but exclusivement lucratif (conseil n° 20091074 du 2 avril 2009).
En l'espèce, la commission estime que la démarche du demandeur qui souhaite utiliser la liste électorale pour adresser des courriers de promotion de l'association X aux électeurs et lancer des appels aux dons ne saurait être qualifiée d'usage commercial au sens des dispositions précitées de l'article L37 du code électoral. Elle observe, par ailleurs, que ce dernier s'est engagé sur l'honneur à l'appui de sa demande à ne pas faire un usage commercial des listes qui lui seront communiquées.
La commission rappelle enfin que le demandeur, en tant que ré-utilisateur des listes communiquées, devra se conformer aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et du Règlement général sur la protection des données (RGPD) dès lors qu'il sera alors regardé comme un responsable de traitement de données à caractère personnel. Il devra notamment s'assurer que l'usage qu'il entend en faire respecte les principes relatifs au traitement des données à caractère personnel, les conditions de licéité d'un tel traitement et les droits des personnes concernées, définis respectivement aux articles 5, 6, 7 et au chapitre III du RGPD.