Conseil 20225906 Séance du 03/11/2022
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné, lors de sa séance du 3 novembre 2022, votre demande de conseil relative au caractère communicable, à un élu, du listing des dépenses et recettes de l’année comprenant en dépense, la liste nominative des agents avec leurs traitements et en recette, la liste des locataires avec le montant de leurs loyers.
La commission vous rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.
La commission vous rappelle ensuite qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que : « toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des délibérations et des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration.
La commission précise toutefois que si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE 10 mars 2010, n° 303814, commune de Sète ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620).
En application de ces principes, la commission estime, d’une part, que la mention, sur un listing de dépenses et de recettes annuelles d’une collectivité, de la liste des locataires des biens appartenant à une collectivité territoriale avec l’indication du montant de leurs loyers est librement communicable à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de ne pas faire apparaître d’éléments couverts par le secret de la vie privée (lieu et date de naissance, situation familiale, adresse personnelle autre que celle du logement loué, etc.).
La commission rappelle, d’autre part, que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime cependant que, si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime. Ainsi, s'agissant des éléments de rémunération, la commission est défavorable à la communication des informations liées, soit à la situation familiale et personnelle (supplément familial), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur la manière de servir de l'agent (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement). Il en va de même, pour le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent ou des informations sur sa situation familiale. Elle rappelle également que, dans sa décision Commune de Sète du 10 mars 2010 (n° 303814), le Conseil d'État a jugé, à propos des dispositions de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, qu'elles ne sauraient être interprétées, eu égard à leur objectif d'information du public sur la gestion municipale, comme prescrivant la communication des arrêtés portant des appréciations d'ordre individuel sur les fonctionnaires communaux. Par suite, de tels arrêtés ne peuvent être communiqués qu’après occultation de la mention du nom des intéressés et le cas échéant des autres mentions permettant d’identifier la personne concernée.
La commission, dont l'attention est attirée en l'espèce sur les mentions relatives aux rémunérations versées aux agents de la commune, estime que les noms des agents, qui sont des données à caractère personnel, ainsi que le montant global de leur rémunération, sans distinction selon les composantes fixes ou variables de celle-ci, ne relèvent pas, en elles-mêmes, d'un des secrets protégés, et notamment la vie privée. Ces mentions ne comportent pas non plus d'appréciation ou de jugement de valeur d'ordre individuel sur les personnes concernées, ni ne font apparaître un comportement dont la divulgation serait susceptible de leur porter préjudice.
La commission vous conseille en conséquence de répondre favorablement à la demande selon les modalités qui viennent d'être énoncées.