Avis 20225902 Séance du 03/11/2022

Maître X, conseil de la Société X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 28 septembre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur du centre hospitalier universitaire de la Réunion à sa demande de copie, sous format électronique, des documents suivants concernant l'accord-cadre ayant pour objet la location, la mise en service, la gestion et la maintenance des moyens d'impression, de numérisation et des prestations associées pour les établissements du groupement hospitalier de territoire (GHT) de la Réunion : 1) les fiches techniques des matériels et logiciels acquis ou toute pièce permettant de vérifier leur conformité ; 2) les procès‐verbaux de négociation ; 3) le rapport de présentation ; 4) les bons de commande émis ; 5) la déclaration de candidature « formulaire DC2 » sans occultations excessives ; 6) le rapport d'analyse des offres et son annexe, sans occultations excessives par exemple des mentions suivantes : a) le nom de tous les soumissionnaires ; b) le montant global de chacune des offres, pour tous les soumissionnaires ; c) les notes globales de tous les soumissionnaires ; d) les appréciations portées sur les offres de l’attributaire. 1. Principes de communication : En l'absence de réponse de la part du directeur du centre hospitalier universitaire de la Réunion à la date de sa séance, la Commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. En second lieu, s’agissant des dossiers de candidatures, après avoir rappelé que les dossiers de candidature des candidats non retenus ne sont pas communicables (Conseil n° 20065427 du 21 décembre 2006), la Commission relève que les attestations de régularité fiscale et sociale du candidat retenu participent des pièces d'un marché public, dans la mesure où leur production est exigible, sur le fondement des articles précités du code de la commande publique, pour toute candidature à un marché public. Compte-tenu du caractère général de ces attestations fournies par la Direction générale des finances publiques et l’URSSAF, visant à attester de la régularité de la situation des entreprises vis-à-vis de leurs obligations fiscales et sociales, et de l’absence de mentions couvertes par le secret des affaires, la Commission estime que ces documents sont communicables à toute personne en faisant la demande. S'agissant de l'attestation d'assurance remise par le titulaire du marché à l'occasion de la consultation, la Commission estime que ce document administratif est communicable à toute personne en faisant la demande sous réserve de l'occultation des mentions qui seraient protégées par le secret des stratégies commerciales, lesquelles comprennent les choix opérés par la société en matière d'assurances (niveaux de garanties, étendue de la couverture, procédés de fabrication assurés, etc.). Enfin, l’extrait K-Bis d’immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés contient des informations relatives à l’identification de la personne morale, à l’activité de l’entreprise, certaines informations complémentaires relatives aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaire, ou encore les modalités générales de contrôle et de gestion de la société. Ces dernières mentions peuvent contenir des informations relevant de la vie privée du gérant ou de l’équipe dirigeante (adresse personnelle, date et lieu de naissance, nationalité, etc.). La Commission considère par conséquent que ce document est communicable à toute personne en faisant la demande sous réserve des mentions susceptibles d’être couvertes par le secret de la vie privée. En troisième lieu, la Commission rappelle qu’elle a précisé sa doctrine relative aux différents échanges intervenant entre l'administration et les candidats dans le cadre de la procédure de passation d'un marché public, dans un avis de partie II n° 20221914 du 12 mai 2022. La Commission constate ainsi que la liste des questions formulées par les candidats en cours de procédure et les réponses qui y sont apportées par le pouvoir adjudicateur, est, en application des principes de transparence des procédures et d’égalité de traitement des candidats, portée à la connaissance de l’ensemble des candidats, le plus souvent par voie de publication sur le profil acheteur de l’administration concernée. Dès lors qu’elle conserve un caractère général, en ce qu’elle ne révèle aucun détail technique ou financier d’une offre particulière, la Commission estime que cette liste est librement communicable à toute personne en faisant la demande. La Commission relève ensuite que le code de la commande publique autorise les acheteurs à demander aux candidats concernés de régulariser leur candidature ou leur offre, dans certaines conditions fixées par les textes. Dans la mesure où les dossiers de candidature des candidats non retenus ne sont pas communicables (Conseil n° 20065427 du 21 décembre 2006), la Commission considère que les demandes de régularisation de ces dossiers ne le sont pas davantage. En revanche, la Commission estime que les demandes de régularisation du dossier de candidature de l’attributaire, ainsi que les demandes de régularisation des offres de l’ensemble des candidats, sont communicables à toute personne en faisant la demande, sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires. S’agissant des échanges ou comptes rendus intervenant dans le cadre des négociations, d’une demande de précision ou d’une mise au point, la Commission considère que, dans la mesure où ceux-ci ont pour objet d’éclairer le pouvoir adjudicateur sur les éléments techniques et financiers de l’offre remise par le candidat ou de faire évoluer ces éléments, ces documents révèlent, par nature, la stratégie commerciale de l’entreprise concernée et, à ce titre, sont entièrement couverts par le secret des affaires (avis n° 20122602 du 26 juillet 2012). Ces documents ne sont, par conséquent, pas communicables. Enfin, la Commission estime que les procès-verbaux de négociation, dans la mesure où ils se limitent à décrire la procédure de négociation et son organisation (durée, dates, personnes présentes, etc.) sans pour autant révéler le contenu des échanges intervenus, sont librement communicables à toute personne en faisant la demande. 2. Application au cas d’espèce : En application de ces principes, la Commission estime, en premier lieu, que les documents mentionnés aux points 3) à 6) c) sont librement communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l’occultation préalable des mentions couvertes par le secret des affaires dans les conditions sus-rappelées, et, le cas échéant, s’agissant du DC2 de l’attributaire (extrait K-Bis notamment), au secret de la vie privée. Elle émet, en revanche, un avis défavorable à la communication des documents visés aux points 1), en ce qu’ils sont établis par le titulaire dans son mémoire technique, et 6) d) de la demande, couverts par le secret des affaires. La Commission considère, en second lieu, que les procès-verbaux de négociation visés au point 2) de la demande sont communicables à toute personne en faisant la demande, dans les conditions sus-énoncées.