Avis 20225878 Séance du 03/11/2022

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 septembre 2022, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques à sa demande de : 1) publication en ligne sur le site du département des états présentant l'ensemble des indemnités de toute nature dont bénéficient les élus siégeant au conseil départemental, au titre de tout mandat ou de toute fonction, pour les années 2020 à 2022 ; 2) communication par courrier électronique des documents suivants : a) la délibération en vigueur, ou tout document en tenant lieu, qui régit le fonctionnement du parc automobile du département ; b) la liste, ou tout document en tenant lieu, des personnels du département disposant d’un véhicule de fonction, ainsi que la ou les délibérations leur octroyant cette mise à disposition. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques a indiqué à la Commission que les documents sollicités au point 2) ont été communiqués à Monsieur X, par courrier du 30 septembre 2022, dont une copie lui est jointe. La Commission ne peut donc que déclarer sans objet la demande d’avis sur ce point. S'agissant du point 1) de la demande d'avis, la Commission rappelle que l'article L3123-19-2-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que : « Chaque année, les départements établissent un état présentant l'ensemble des indemnités de toute nature, libellées en euros, dont bénéficient les élus siégeant au conseil départemental, au titre de tout mandat et de toutes fonctions exercés en leur sein et au sein de tout syndicat au sens des livres VII et VIII de la cinquième partie ou de toute société mentionnée au livre V de la première partie ou filiale d'une de ces sociétés. Cet état est communiqué chaque année aux conseillers départementaux avant l'examen du budget du département ». Il en résulte que le législateur a ainsi entendu renforcer l'objectif de transparence portant sur l'ensemble des indemnités de toutes natures dont bénéficient les élus siégeant dans leur organe délibérant, au titre de tout mandat et de toutes fonctions liées à un mandat local exercées en leur sein ou dans toute autre structure. Ainsi que l'a rappelé la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (JO Sénat, 09/07/2020, page 3179) : « Dans la mesure où le législateur n'a pas souhaité imposer une double mention des montants bruts et nets, les collectivités et établissements concernés seront uniquement tenus d'exprimer ces montants bruts, correspondant aux indemnités calculées avant toute retenue fiscale ou sociale. L'indication de montants bruts est une convention en matière de rémunération, dans la mesure où les prélèvements sociaux et fiscaux varient en fonction de la situation personnelle des intéressés. » La Commission relève que l'indication des montants bruts permet ainsi de ne pas faire indirectement apparaître les éléments de la situation individuelle des élus nominativement mentionnés dans cet état. En l'espèce, la Commission estime par conséquent que les documents demandés sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration ou, le cas échéant, des dispositions de l'article L3121-17 du code général des collectivités territoriales. Elle émet donc un avis favorable. S'agissant des modalités de communication, la Commission rappelle qu'en vertu de l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document, soit par publication des informations en ligne. La Commission rappelle, en outre, que l’article L312-1 du CRPA prévoit que les administrations peuvent rendre publics les documents administratifs qu’elles produisent ou reçoivent. Le législateur leur a par ailleurs imposé l’obligation de publier en ligne certaines catégories particulières de documents. Le 1° de l'article L312-1-1 du CRPA prévoit ainsi que les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants et les administrations dont le nombre d'agents est supérieur à 50 équivalents temps plein doivent publier les documents qu'elles communiquent en application des procédures prévues au titre Ier du livre III du CRPA, à condition que ces documents soient effectivement disponibles sous forme électronique. La publication en ligne de documents administratifs par l’administration ne peut toutefois s’effectuer que sous réserve du respect des conditions posées à l’article L312-1-2 du CRPA, qui dispose que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. (...) ». Cette liste figure à l'article D312-1-3 du CRPA. La Commission rappelle, ensuite, que dans un avis de partie II n° 20221096 du 21 juillet 2022, elle a précisé les modalités de mise en ligne des actes pris par les autorités locales et leur articulation avec les règles générales de diffusion publique posées par le code des relations entre le public et l'administration (CRPA), dans les termes suivants : Depuis le 1er juillet 2022, l’article L3131-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) impose une publication sous forme électronique des actes réglementaires et des décisions ne présentant ni un caractère réglementaire, ni un caractère individuel pris par les autorités départementales. Cette publication est de nature à garantir l’authenticité des actes et à assurer leur mise à disposition du public de manière permanente et gratuite. L’article R3131-2 du même code précise les modalités de cette publication. Aux termes de ces dispositions, les actes concernés sont « mis à la disposition du public sur le site internet du département dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions propres à en assurer la conservation, à en garantir l'intégrité et à en effectuer le téléchargement. La version électronique de ces actes comporte la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de leur auteur ainsi que la date de mise en ligne de l'acte sur le site internet du département. La durée de publicité de l'acte ne peut pas être inférieure à deux mois ». La Commission a également rappelé, dans son avis, que la publication en ligne de documents administratifs par l’administration doit en principe s’effectuer dans le respect des conditions posées à l’article L312-1-2 du CRPA. Pour pouvoir faire l’objet d’une publication en ligne sur le site internet de l’administration, un document administratif doit ainsi en principe, au regard des mentions qu’il contient, être communicable à toute personne. Il y a lieu de distinguer selon que la communication du document est régie par les dispositions du livre III du CRPA ou par une législation spéciale. Lorsque la communication d’un document est soumise aux dispositions du CRPA, il ne peut être procédé à sa publication que si son contenu respecte les secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du CRPA. En revanche, lorsque la communication d’un document relève d'une législation spéciale qui n’inclut pas ces articles, le contenu du document doit, pour pouvoir être publié, se conformer aux règles et principes issus de cette législation particulière et qui conditionnent sa communicabilité à toute personne. Constitue une législation spéciale qui déroge au régime de droit commun d’accès aux documents administratifs prévu par le titre Ier du livre III du CRPA, l'article L2121-26 CGCT. Il résulte de la jurisprudence du Conseil d’État (décision Commune de Sète du 10 mars 2010, n° 303814, complétée par la décision du 17 mars 2022, n° 449620), que si les exceptions au droit d’accès prévues à l’article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement des dispositions spéciales de l’article L2121-26 du CGCT, l’exercice de ce droit d’accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d’autres fondements, tels que le secret de la vie privée. La Commission relève, par ailleurs, que l’article L312-1-2 du CRPA réserve le cas des dispositions législatives ou réglementaires contraires, susceptibles de prévoir une publication en ligne sans occultation des mentions protégées par les articles L311-5 ou L311-6. Elle estime, à cet égard, que l’article R2131-1 en prévoyant que les actes sont publiés « dans leur intégralité » permet de s’affranchir de la confidentialité organisée par ces articles. Les actes concernés par la réforme sont donc publiables en ligne sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur l’occultation des mentions protégées par les articles L311-5 ou L311-6. En revanche, elle considère, s’agissant des catégories d’actes relevant de l’article L2121-26 du CGCT, tels que les arrêtés réglementaires, que les informations qui ne sont pas nécessaires à la satisfaction de l’objectif, poursuivi par le législateur, d’information du public sur la gestion municipale demeureront occultables, en application des principes non écrits issus de la jurisprudence du Conseil d’État. En second lieu, la Commission relève que lorsqu'un document administratif comporte des données à caractère personnel, il doit alors, pour pouvoir être publié en ligne, satisfaire aux conditions posées au deuxième alinéa de l’article L312-1-2 du CRPA. La Commission relève qu’une norme réglementaire ne permet pas de déroger à ces dispositions. Elle en déduit que les dispositions de l’article R2131-1 du CGCT, en prévoyant une publication des actes dans leur intégralité, ne peuvent être regardées comme ayant entendu déroger au principe général d’anonymisation avant publication, prévu par l’article L312-1-2 du CRPA. La publication en ligne des documents concernés par la réforme doit donc, comme avant la réforme, s’effectuer après anonymisation des données personnelles, sauf consentement des personnes ou applicabilité de l’une des dispenses prévues par le CRPA. Elle estime cependant que l’obligation d’occultation préalable des mentions qui sont dans le champ d’application des articles L311-5 et L311-6 ou de traitement des données à caractère personnel ne s’étend pas aux données qui, par nature, n’ont pas à être occultées ou à faire l’objet d’un tel traitement comme c’est le cas des noms des élus ayant participé aux discussions de l’assemblée délibérante, des prénom, nom et qualité des auteurs des actes ou des bénéficiaires de délégations de signature ou des personnes désignées par un acte administratif lorsque leur publication est nécessaire pour faire courir le délai de recours contentieux ou rendre l’acte opposable aux tiers (avis n° 20171449, du 27 avril 2017). En l'espèce, la Commission estime que l'identité des élus bénéficiant d'indemnités au titre de leur mandat ou de leur fonction appartient à la catégories des données à caractère personnel n'ayant pas à être occultées du document dont la mise en ligne est demandée. Elle émet donc un avis favorable à la demande.