Avis 20225813 Séance du 03/11/2022

Maître X, X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 septembre 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Blauvac à sa demande de communication d’une copie, par courrier électronique ou lien de téléchargement de type WeTransfer, des documents suivants : 1) les entiers dossiers de demande de permis de construire et d’aménagement (CERFA de demande, pièces écrites et graphiques, avis de tous les services consultés, documents relatifs à l’instruction) correspondant aux permis de construire délivrés depuis le 1er janvier 2005 sur le territoire de la commune et ayant nécessité une consultation du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) ; 2) les entiers dossiers de demande de permis de construire et d’aménagement (CERFA de demande, pièces écrites et graphiques, avis de tous les services consultés, documents relatifs à l’instruction) correspondant aux permis de construire délivrés depuis le 1er janvier 2005 sur le territoire de la commune et ayant nécessité une consultation du service départemental routier ; 3) les entiers dossiers de demande de permis de construire et d’aménagement (CERFA de demande, pièces écrites et graphiques, avis de tous les services consultés, documents relatifs à l’instruction) correspondant aux permis de construire délivrés depuis le 1er janvier 2013 sur le territoire de la commune et ayant nécessité une consultation du syndicat mixte Comtat Ventoux ; 4) l’autorisation de voirie et l’avis du département relatifs à la création du débouché de la parcelle cadastrée X par le biais de la parcelle cadastrée X sur la route départementale 150, sur le territoire de la commune. En premier lieu, Maître X, conseil de la mairie de Blauvac, a informé la commission, en réponse à la demande qui a été adressée à la commune, que les documents sollicités au point 4) avait été communiqués à Maître X par un courrier en date du 5 octobre 2022. Au soutien de son propos, il a produit, devant la commission, les documents communiqués que la commission a pu consulter. La commission en prend note et déclare sans objet la demande d’avis sur ce point. En second lieu, la commission rappelle qu’elle a estimé dans son conseil de partie II n° 20181909 du 25 octobre 2018 que les documents produits et reçus par l’administration en matière d’autorisations individuelles d’urbanisme, tels que les permis de construire, sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé par les articles L311-5 et L311-6 du même code, notamment la sécurité publique ou la sécurité des personnes et la protection de la vie privée, et qu’ils ne revêtent plus un caractère préparatoire, soit que la décision ait été effectivement prise, soit que l'autorité compétente ait renoncé à son projet. En vertu du principe de l’unité du dossier, le droit à communication s’applique à tous les documents du dossier soumis au maire, y compris ceux qui ne sont pas mentionnés par les articles R431-5 à R431-34-1 du code de l’urbanisme, qu’ils émanent du pétitionnaire ou aient été élaborés par l’administration. La commission indique, par ailleurs, que lorsque le maire statue, au nom de la commune, par une décision expresse (favorable ou défavorable) sur une demande d’autorisation individuelle d’urbanisme, celle-ci est alors communicable sur le fondement de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des délibérations et des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». Ce droit d’accès s’étend à l’ensemble des pièces annexées à ces actes (Conseil d’État, 11 janvier 1978, n° 04258, recueil Lebon p. 5). La commission estime que, s’agissant d’un arrêté portant permis de construire, doivent être regardées comme annexées à l’arrêté les seules pièces qui doivent obligatoirement figurer dans le dossier soumis au maire, en application des articles R431-5 à R431-34-1 du code de l’urbanisme. Les autres pièces, s’il en existe, relèvent du régime du code des relations entre le public et l'administration exposé ci-dessus. La commission précise que si l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tel que notamment le secret de la vie privée (CE, 17 mars 2022, n° 449620 ; Conseil d’État, 11 janvier 1978, n° 04258, recueil Lebon p. 5). En application de ces principes, la commission considère que doivent être occultés au titre du secret de la vie privée, avant toute communication : - la date et le lieu de naissance du pétitionnaire ; - les coordonnées téléphoniques et l'adresse de messagerie électronique du pétitionnaire, qu'il s'agisse d'une personne morale ou d'une personne physique ; - les coordonnées téléphoniques et l'adresse de messagerie électronique de l'architecte ; - le nom et les coordonnées (adresse, téléphone et adresse de messagerie électronique) de la personne à laquelle le pétitionnaire souhaite que les courriers de l’administration (autres que les décisions) soient adressés, sauf s'il s'agit de l'architecte, à l'exception de ses coordonnées téléphoniques et de son adresse de messagerie électronique ; - le nom et les coordonnées (adresse, téléphone et adresse de messagerie électronique) du propriétaire ou du bénéficiaire du permis de construire qui doit s'acquitter de la participation pour voirie et réseaux, s'il est différent du pétitionnaire ; - la finalité du projet (logement destiné par exemple à la vente ou à la location). En revanche, la commission estime qu'il n’y a pas lieu d’occulter le nom et l'adresse du pétitionnaire, cette dernière pouvant s’avérer au demeurant nécessaire à une personne pour notifier son recours contentieux contre le permis de construire, en application de l’article R600-1 du code de l’urbanisme. Sont également communicables le nom et l'adresse de l'architecte, l'objet du permis de construire, la date d'autorisation et la déclaration d'ouverture de chantier. La commission estime, en application de ces principes, que les documents sollicités sont en principe librement communicables, sous les réserves précitées. Toutefois, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le maire de Blauvac fait valoir que cette demande revêt un caractère abusif dès lors que l’identification des documents fait peser sur ses services une charge de travail disproportionnée. La commission rappelle que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie, les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. Par sa décision du 14 novembre 2018 ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupéry, n° 426623). La commission rappelle, en outre, que le droit à la communication des documents administratifs est un droit objectif. L'intérêt d'une communication pour le demandeur ou ses motivations ne peuvent donc, en principe, pas fonder un refus de communication. Elle relève, toutefois, que, dans un avis n° 20220207 du 10 mars 2022, elle a fait évoluer sa doctrine en retenant désormais que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620). En l’espèce, la commission relève que le travail d’identification des documents correspondant à la demande suppose de faire un premier travail de tri parmi des centaines de dossiers très volumineux sur une période de neuf et dix-sept ans. Elle relève, également qu’une fois identifiés, les documents nécessiteront un travail d’occultation des mentions couvertes par les secrets protégés. Elle note, enfin, que la commune de Blauvac ne dispose que de deux agents pour l’ensemble de son activité administrative. La commission estime, en conséquence, que compte tenu du nombre de documents en cause, des moyens dont dispose l’administration, des difficultés de traitement de la demande tant d'un point de vue technique que s'agissant des occultations à opérer, que la communication des documents demandés ferait peser sur l’administration une charge excessive et présente, par suite, un caractère abusif. Elle émet en conséquence un avis défavorable à la demande en ses points 1), 2) et 3) et invite Maître X, s’il le souhaite, à formuler auprès de la mairie de Blauvac une nouvelle demande plus circonscrite.