Avis 20225704 Séance du 03/11/2022
Madame X et Monsieur X, pour le journal X, ont saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 septembre 2022, à la suite du refus opposé par le président de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) à sa demande de communication des documents suivants concernant les accords-cadres pluri-annuels de prestations intellectuelles informatiques et non informatiques :
1) les bons de commande relatifs aux missions, seuls à même de renseigner les demandeurs sur le contenu réel des missions effectuées dans le cadre de ces accords-cadres (intitulé de la mission, coût, institution commanditaire, cabinet attributaire) ou une liste des bons de commande avec les informations principales (date, client, attributaires, Intitulé de la mission, UO utilisées) ;
2) les formulaires d’évaluation des missions effectuées ;
3) les correspondances entre l'UGAP et les candidats relatives à l'appel d'offres, mais aussi entre l'UGAP et les cabinets attributaires relatives à l'évaluation des missions, incluant les éventuels courriels, même informels, entre les agents et les candidats ou attributaires des missions ;
4) le bon de commande type sans occultation du nom du client ;
5) la compilation des résultats des prestations commandées adressées à la Commission d’enquête du Sénat (question 11).
En l'absence de réponse de la part du président de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) à la date de sa séance, la Commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit la commission d'appel d'offres à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
Elle précise néanmoins que les mentions relatives à la nature des prestations ou des fournitures réalisées, figurant sur les bons de commande, sont des informations auxquelles toute personne doit pouvoir accéder librement.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
En application de ces principes, la Commission estime que les documents demandés aux points 1) et 4) sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sous la réserve tenant au secret des affaires. Elle émet, sous cette réserve, un avis favorable à la demande sur ces points.
La Commission émet également un avis favorable, sous les réserves sus-rappelées, à la communication des formulaires d’évaluation visés au point 4) de la demande, ainsi que des correspondances relatives à l’évaluation de la prestation en cours d’exécution du marché visées au point 3).
En second lieu, la Commission rappelle qu’elle a précisé sa doctrine relative aux différents échanges intervenant entre l'administration et les candidats dans le cadre de la procédure de passation d'un marché public, dans un avis de partie II n° 20221914 du 12 mai 2022. La Commission constate ainsi que la liste des questions formulées par les candidats en cours de procédure et les réponses qui y sont apportées par le pouvoir adjudicateur, est, en application des principes de transparence des procédures et d’égalité de traitement des candidats, portée à la connaissance de l’ensemble des candidats, le plus souvent par voie de publication sur le profil acheteur de l’administration concernée. Dès lors qu’elle conserve un caractère général, en ce qu’elle ne révèle aucun détail technique ou financier d’une offre particulière, la Commission estime que cette liste est librement communicable à toute personne en faisant la demande.
La Commission relève ensuite que le code de la commande publique autorise les acheteurs à demander aux candidats concernés de régulariser leur candidature ou leur offre, dans certaines conditions fixées par les textes. Dans la mesure où les dossiers de candidature des candidats non retenus ne sont pas communicables (Conseil n° 20065427 du 21 décembre 2006), la Commission considère que les demandes de régularisation de ces dossiers ne le sont pas davantage. En revanche, la Commission estime que les demandes de régularisation du dossier de candidature de l’attributaire, ainsi que les demandes de régularisation des offres de l’ensemble des candidats, sont communicables à toute personne en faisant la demande, sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires.
S’agissant des échanges ou comptes rendus intervenant dans le cadre des négociations, d’une demande de précision ou d’une mise au point, la Commission considère que, dans la mesure où ceux-ci ont pour objet d’éclairer le pouvoir adjudicateur sur les éléments techniques et financiers de l’offre remise par le candidat ou de faire évoluer ces éléments, ces documents révèlent, par nature, la stratégie commerciale de l’entreprise concernée et, à ce titre, sont entièrement couverts par le secret des affaires (avis n° 20122602 du 26 juillet 2012). Ces documents ne sont, par conséquent, pas communicables.
Enfin, la Commission estime que les procès-verbaux de négociation, dans la mesure où ils se limitent à décrire la procédure de négociation et son organisation (durée, dates, personnes présentes, etc.) sans pour autant révéler le contenu des échanges intervenus, sont librement communicables à toute personne en faisant la demande.
Elle émet donc un avis favorable à la communication des correspondances entre l'UGAP et les candidats relatives à l'appel d'offres, sollicitées au point 3) de la demande, sous ces réserves et dans ces conditions.
En troisième lieu, s’agissant du point 5) de la demande, la Commission rappelle qu’en application de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, les actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires sont régis par l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. En outre, l’article L342-1 du même code dispose que « la Commission d'accès aux documents administratifs émet des avis lorsqu'elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication ou un refus de publication d'un document administratif en application du titre Ier, un refus de consultation ou de communication des documents d'archives publiques, à l'exception (…) des actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires ».
La Commission déduit de ces dispositions que les documents produits ou reçus par une assemblée parlementaire sont exclus du champ d’application du code des relations entre le public et l’administration et qu’elle est, par suite, incompétente pour se prononcer sur leur caractère communicable. Elle précise cependant, s’agissant des documents reçus, que seuls ceux qui ont été produits en vue de leur transmission à une assemblée parlementaire ou à la demande de cette dernière sont exclus du champ d’application du code des relations entre le public et l’administration et, partant, du champ de sa compétence (avis de partie II n° 20221614 du 31 mars 2022).
La Commission comprend, en l’espèce, que la compilation des résultats des prestations commandées mentionnée au point 5) de la demande, a été spécifiquement élaborée à la demande de la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.
Elle estime par conséquent que ces documents relèvent du champ de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et ne présentent, dès lors, pas un caractère administratif au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Elle se déclare, par suite, incompétente pour se prononcer sur ce point de la demande.
La Commission rappelle enfin, à toutes fins utiles, que les travaux des commissions d'enquête parlementaires sont couverts par le secret en vertu des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, à l’exception des auditions. En outre le IV de cet article 6 dispose que « sera punie des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal toute personne qui (...) divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d'une commission d'enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information ».