Avis 20225493 Séance du 13/10/2022

Madame X X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le président de la Coopérative d'accession sociale à la propriété à sa demande de communication des documents suivants : 1) le procès-verbal de séance portant sur la vente d'un appartement à Madame X, X de la coopérative d'accession sociale à la propriété (CAPS), ainsi que les pièces afférentes à sa demande (courrier ou autres) ; 2) le détail quantitatif estimatif (DQE) ; 3) le devis des quantités exécutées dans le marché « X » ; 4) le décompte général définitif (DGD) entrepris dans ce même marché ; 5) la partie des actes authentiques de vente des lots du programme « X » mentionnant la surface, le lot, le prix et la date de la promesse de vente ; 6) le rapport de la commission d'attribution concernant la vente des logements de cette résidence ; 7) les critères d'attribution concernant la vente des logements de ce programme ; 8) les dossiers de modification de permis de construire (coût des travaux, dossier d'architecte, dossier maître d'ouvrage, tout document afférant aux modifications du permis de construire initial). En premier lieu, en l'absence de réponse du président de la CAPS à la date de sa séance, la Commission rappelle, d’une part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs (...), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission ». La commission en déduit que les documents détenus par une société coopérative d'habitations à loyer modéré constituent des documents administratifs s'ils sont produits ou reçus dans le cadre de sa mission de service public définie aux articles L411-2 et L422-3 du code de la construction et de l'habitation. En l'espèce, la Commission relève que le marché auquel se rapportent les documents sollicités aux points 2), 3) et 4) porte sur une opération de construction de logements collectifs par la CAPS en vue d'une accession à la propriété. Elle estime qu'eu égard à son objet, un tel marché se rattache directement à l'exécution de la mission de service public dont est chargée cette société. Les documents sollicités constituent donc des documents administratifs au sens de l'article L311-2 précité. La Commission rappelle, d’autre part, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. En application de ces principes, la Commission émet un avis favorable à la communication des documents mentionnés aux points 2), 3) et 4), après occultation des prix unitaires et des éléments détaillant l’offre de prix du titulaire, couverts par le secret de affaires, le prix global restant, quant à lui, communicable. En second lieu, la Commission considère que les documents qui se rapportent aux demandes d'attribution de logement dans le cadre d’opérations d'accession à la propriété que les bailleurs sociaux enregistrent, instruisent et examinent dans les conditions prévues aux articles L443-1 et suivants et R443-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, présentent un caractère administratif. Elle rappelle cependant que la communication de pièces relatives à l'attribution en propriété d'un logement social à une personne qui n'est pas directement concernée est susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée de l'attributaire de ce bien et est également susceptible de révéler de ce dernier un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. Dès lors que Madame X X ne soutient pas qu'elle aurait demandé l'attribution d'un logement, elle ne peut être regardée comme directement intéressée et demander la communication des passages des rapports et les comptes rendus des commissions d'attribution des logements qui la concerneraient. Ces documents ne sont donc pas communicables à un tiers en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. La Commission émet donc un avis défavorable à la demande en ses points 1) et 6). La commission estime en revanche que le document visé au point 7) de la demande, dès lors qu’il ne fait apparaître que des critères objectifs d’attribution des logements à la vente, sans présenter d’éléments nominatifs, est librement communicable à toute personne en faisant la demande. En troisième lieu, s'agissant du point 5) de la demande, la Commission estime, depuis son avis n° 20184019 du 7 février 2019, que si, en principe, les actes notariés et d'état civil ne revêtent pas le caractère de documents administratifs entrant dans le champ d'application de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 (CE, 9 février 1983, n° 35292, rec. p. 53), devenu article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, elle considère désormais que la seule circonstance qu'une convention soit passée en la forme authentique ne saurait la soustraire au droit d'accès prévu par ce code et que lorsqu'une convention passée en la forme authentique a, d'une part, pour co-contractante une administration au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration et a, d'autre part, un objet en rapport direct avec l'exercice de missions de service public, cette convention entre dans les prévisions de ce code, dans la mesure qu'il détermine. Par suite, la Commission considère qu'en l'espèce, les actes authentiques demandés sont communicables à Madame X, sous réserve de l'occultation préalable des mentions relevant de la vie privée de l’acquéreur, notamment celles susceptibles de révéler leurs conditions de ressources. Enfin, s'agissant des documents mentionnés au point 8), la Commission rappelle qu’elle a estimé dans son conseil de partie II n° 20181909 du 25 octobre 2018 que les documents produits et reçus par l’administration en matière d’autorisations individuelles d’urbanisme, tels que les permis de construire, sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé par les articles L311-5 et L311-6 du même code, notamment la sécurité publique ou à la sécurité des personnes et la protection de la vie privée, et qu’ils ne revêtent plus un caractère préparatoire, soit que la décision ait été effectivement prise, y compris par expiration du délai faisant naître une décision tacite, soit que l'autorité compétente ait renoncé à son projet. En vertu du principe de l’unité du dossier, le droit à communication s’applique à tous les documents du dossier soumis au maire, y compris ceux qui ne sont pas mentionnées par les articles R431-5 à R431-34-1 du code de l’urbanisme, qu’ils émanent du pétitionnaire ou aient été élaborés par l’administration. La Commission indique, par ailleurs, que lorsque le maire statue, au nom de la commune, par une décision expresse (favorable ou défavorable) sur une demande d’autorisation individuelle d’urbanisme, celle-ci est alors communicable sur le fondement de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des délibérations et des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». Ce droit d’accès s’étend à l’ensemble des pièces annexées à ces actes (Conseil d’État, 11 janvier 1978, n° 04258, recueil Lebon p. 5). La Commission estime que, s’agissant d’un arrêté portant permis de construire, doivent être regardées comme annexées à l’arrêté les seules pièces qui doivent obligatoirement figurer dans le dossier soumis au maire, en application des articles R431-5 à R431-34-1 du code de l’urbanisme. Les autres pièces, s’il en existe, relèvent du régime du code des relations entre le public et l'administration exposé ci-dessus. La Commission précise que si l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tel que notamment le secret de la vie privée (CE, 17 mars 2022, n° 449620 ; Conseil d’État, 11 janvier 1978, n° 04258, recueil Lebon p. 5).