Avis 20225342 Séance du 13/10/2022

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 1er septembre 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Savigny-sur-Orge à sa demande de communication, en sa qualité de conseiller municipal, des documents relatifs au poste de Madame X, directrice de cabinet du maire : 1) la fiche de poste à jour au 1er juillet 2022 ; 2) le bulletin de salaire du mois de juillet 2022. La commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient. I- La commission, qui a pris connaissance de la réponse du maire de Savigny-sur-Orge, rappelle que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La Commission estime cependant que, si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime. En l'espèce, la commission considère que la fiche de poste mentionnée au point 1) constitue un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande, sur le fondement des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet en conséquence un avis favorable sur ce point. En ce qui concerne le document mentionné au point 2), la commission rappelle que le bulletin de paie ou de traitement d'un agent public constitue, en vertu des articles L300-2 et L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande. Toutefois, préalablement à cette communication, les mentions qui porteraient atteinte à la protection de la vie privée ou comporteraient une appréciation ou un jugement sur la valeur de l'agent public en cause doivent être occultées en application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration. A cet égard, la communication de la rémunération résultant de l'application des règles régissant l'emploi concerné, n'est pas susceptible de révéler une appréciation ou un jugement de valeur. Il en est autrement lorsque cette rémunération est arrêtée d'un commun accord entre les parties sans référence à des règles la déterminant. Dans ce cas, la communication du contrat de travail est subordonnée à l'occultation des éléments relatifs à la rémunération, tandis que le bulletin de paie ou de traitement, « qui serait privé de toute portée sans la rémunération », ne peut être communiqué (CE, 26 mai 2014, Communauté agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz, n° 342339). En outre, il convient, en application de l'article L311-7 du code précité, d'occulter les éléments figurant dans le bulletin, si ce dernier est communicable, qui seraient liés soit à la situation familiale et personnelle de l'agent en cause (supplément familial), soit à sa vie privée (date de naissance, adresse privée), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur sa manière de servir (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement et, dans le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération), dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent. La commission a ainsi, dans un avis 20210741 du 11 février 2021, considéré que la protection de la vie privée fait obstacle, en application des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, à la communication à des tiers du montant de la cotisation mutuelle et de l'indemnisation des jours placés sur un compte épargne temps, qui relèvent d’un choix personnel de l’agent et sont sans lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Elle a également estimé que la prime d’intéressement à la performance collective des services, si elle constitue une part variable de la rémunération, n'est pas liée à la manière individuelle de servir des agents en cause dès lors qu'elle est attribuée à un service et à l'ensemble des agents qui le composent. Le montant de cette prime est donc communicable à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration sans qu'y fassent obstacle les dispositions du 2° de l'article L311-6 du même code. Elle a souligné avoir fait évoluer sa position, ancienne (conseils 20101148 du 29 mars 2010 et 20104024 du 14 octobre 2010), en ce qui concerne le temps de travail des agents publics et fonctionnaires et considérer désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procèderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée. La commission précise enfin que doivent également être occultées, en application des mêmes dispositions, les mentions relevant du champ d'application de l'article L103 du livre des procédures fiscales, telles que l'indication de l'assiette de l'impôt sur le revenu ( «base »), son taux, personnalisé ou non, le montant du prélèvement à la source, ainsi que le montant qui aurait été versé au salarié en l'absence de retenue à la source. Sous ces réserves, la commission émet un avis favorable sur ce point de la demande. II- Par ailleurs, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le maire de Savigny-sur-Orge a indiqué à la commission qu’il considère la demande de Monsieur X comme abusive. La commission souligne cependant qu'une demande ne peut être considérée comme abusive que lorsqu'elle vise de façon délibérée à perturber le fonctionnement d'une administration ou qu'elle fait peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne de présenter plusieurs demandes à la même autorité publique ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. En l'espèce, il ne lui est pas apparu, compte tenu de la nature des documents demandés, du destinataire de la demande et des seuls éléments portés à sa connaissance, que cette demande présenterait e elle-même un caractère abusif. III- Enfin, la commission rappelle que le fait d'insérer des documents administratifs sur un site ou dans une publication, en particulier accompagnés de commentaires ou d’invitations faites aux tiers à émettre de tels commentaires, ou encore le fait de subordonner leur accès au paiement d'une somme ou d’en publier de simples extraits constituent des formes de réutilisation au sens de l'article L321-1 du code des relations entre le public et l'administration. La mise en ligne de ces documents devra donc être précédée, en application de l’article 322-2 du même code, de l’anonymisation des documents comportant des données à caractère personnel au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, sauf accord de la personne concernée. En outre, sauf accord de l’administration, le sens des documents ne devra pas être dénaturé, conformément aux dispositions de l’article L322-1 du code des relations entre le public et l'administration. La commission constate, des éléments qui ont été portés à sa connaissance, que Monsieur X a procédé à plusieurs reprises à la publication sur internet de documents administratifs obtenus par l'exercice de son droit de communication, notamment des bulletins de salaire, sans toutefois procéder à une réelle anonymisation, et en accompagnant ces bulletins de commentaires désobligeants visant nommément les bénéficiaires de ces salaires. En l'espèce, elle estime que si la fiche de poste sollicitée au point 1), qui est, par hypothèse, non nominative, pourra être mise en ligne, elle considère en revanche que le bulletin de salaire demandé au point 2) ne pourra être éventuellement mise en ligne qu'après occultation de toutes les mentions comportant des données à caractère personnel au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et à la condition de n'être accompagné d'aucun commentaire permettant l'identification de son bénéficiaire.