Avis 20225211 Séance du 13/10/2022
Madame X, journaliste, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 26 août 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général de Pôle emploi à sa demande de communication, dans le cadre d'une enquête journalistique, des documents suivants relatifs aux prestations intellectuelles de conseil effectuées pour le compte de la direction générale de Pôle emploi au cours des années 2017 à 2022 :
1) la liste des prestations de conseil entre 2017 et 2022, y compris celles subséquentes aux accords-cadres ;
2) les bons de commande associés à l’ensemble de ces prestations de conseil ;
3) les offres des cabinets titulaires ;
4) l'ensemble des documents produits dans le cadre de ces marchés notamment les documents de préconisation, les rapports et études finaux, les audits, les notes de cadrage, les documents de synthèse, les dossiers d’aide à la décision, les notes de réflexion, les études d’impact, les tableaux de bord, les rapports intermédiaires, les plans d’accompagnement du changement, les rapports d’analyse comparée et les propositions de scénario ;
5) les évaluations qualitatives de ces missions ;
6) l’ensemble des courriers, courriels et échanges entre les agents de Pôle emploi relatifs à l’exercice de ces missions de conseil, ainsi que les éventuelles pièces-jointes attachées ;
7) l’ensemble des courriers, courriels et échanges entre les agents de Pôle emploi et les prestataires de conseil, relatifs à l’exercice de ces missions, ainsi que les éventuelles pièces-jointes attachées.
La commission, qui a pris connaissance de la réponse du directeur général de Pôle emploi, rappelle qu'aux termes de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration : « L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ». Par sa décision du 14 novembre 2018, n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose.
La commission a déjà eu l’occasion de qualifier d’abusives des demandes, lorsqu’eu égard au nombre, à la variété et à l'imprécision de l’objet des divers documents demandés, compte tenu des recherches qui incomberont nécessairement à l'administration afin d'identifier et de sélectionner les documents susceptibles de satisfaire la demande et des efforts nécessaires à l'occultation préalable des mentions dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par la loi, celles-ci font peser sur l'administration une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (avis n° 20184783 du 17 mai 2019, de partie II ; avis n° 20193811, du 12 mars 2020, de partie II).
Elle rappelle que c’est un faisceau d’indices qui permet de qualifier une demande d’abusive. Elle estime que tel peut être le cas des demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, des demandes que le service sollicité est manifestement dans l'incapacité matérielle de traiter, ou encore des demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent.
La commission prend note, au vu des éléments de réponse du directeur général de Pôle emploi, que la demande porte, au titre de la période dont s'agit, sur plus de 300 marchés de prestations de conseil qui ont été conclus par la direction générale de Pôle emploi, ce qui implique autant d’offres techniques et financières, sous la forme d’un document unique ou, le plus souvent, de documents séparés, et parfois très volumineux pour ce qui est des offres techniques. Pôle emploi estime à environ 1250 le nombre de bons de commande passés dans le cadre de ces marchés, chacun d'entre eux donnant lieu à au moins un livrable (note, étude, rapport, tableau de bord, etc.) et à plusieurs échanges préalables, aussi bien internes qu’entre Pôle emploi et le prestataire, des pièces jointes (notes, schémas, etc.) étant en règle générale attachées à ces échanges. Ce sont donc de l’ordre de quelques milliers de documents qui peuvent être conservés sur support papier ou numérique et dans ce dernier cas, selon le document, soit dans un applicatif dédié, soit sur les serveurs internes de Pôle emploi, soit dans les outils de messagerie accessibles uniquement par l’agent en charge.
Elle estime dès lors, compte tenu des recherches et du travail d'extraction qui incomberont nécessairement à l'autorité saisie afin d'identifier et sélectionner les documents susceptibles de satisfaire la demande, ainsi que des nombreuses occultations qui devront être réalisées pour permettre leur communication, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, que cette demande fait peser sur Pôle emploi une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose et présente, par suite, un caractère abusif
La commission émet donc un avis défavorable et invite la demanderesse à restreindre, si elle le souhaite, le champ de sa demande.