Avis 20225194 Séance du 13/10/2022
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 août 2022, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental du Calvados à sa demande de communication de l'ensemble des documents concernant sa situation familiale et notamment celle de son fils X.
La commission rappelle, en premier lieu, que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil départemental et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015).
Elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF), la transmission du dossier au procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le code de l'action sociale et des familles et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance.
La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, n° 372230, Rec. p. 493).
Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit-transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil départemental du Calvados a, tout d'abord, indiqué à la commission que le recueil d'informations préoccupantes dont elle a fait l'objet a été communiqué à Madame X, par courrier du 16 mai 2022, dont une copie lui est jointe. La commission ne peut donc que déclarer sans objet la demande d’avis sur ce point.
Le président du conseil départemental du Calvados a en outre informé la commission que le rapport des travailleurs sociaux avait été transmis au tribunal judiciaire de Caen. Il a également indiqué que la communication de ce document à Madame X était, à ce stade, susceptible de porter atteinte au déroulement de cette procédure, en précisant cependant que cette pièce pourrait, le cas échéant, lui être transmise dans le cadre de l'information judiciaire. La commission estime, dans ces conditions, que le f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration fait obstacle à cette communication. Elle émet, par suite, un avis défavorable sur ce point.
Enfin, et compte tenu de ce qui précède, s'agissant du courrier de saisine du procureur de la République, la commission ne peut que se déclarer incompétente dès lors que ce document revêt un caractère judiciaire.