Avis 20225162 Séance du 13/10/2022
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 août 2022, à la suite du refus opposé par le président du tribunal judiciaire de Dieppe à sa demande de communication d'une copie des cinq derniers comptes, accompagnés des pièces justificatives concernant sa tante, Madame X, placée sous curatelle de 2013 jusqu'à son décès le X.
La commission, qui a pris connaissance de la réponse du président du tribunal judiciaire de Dieppe, rappelle que les documents qui figurent dans un dossier de tutelle ou de curatelle et qui sont détenus par le juge des tutelles dans le cadre du contrôle exercé par lui sur le déroulement des opérations de tutelle ou de curatelle et sur la gestion du patrimoine d’une personne protégée, constituent des documents de nature judiciaire, sur la communication desquels la commission n’est pas compétente pour se prononcer. Il en va ainsi également des documents établis pour être adressés à l’autorité judiciaire, qui ne présentent pas le caractère de documents administratifs, nonobstant la circonstance qu’une copie de ces documents ait été transmise, pour information, à l’autorité administrative (CE 25 mars 1994, Massol, n° 106696, rec. p. 952). La circonstance que le dossier de tutelle a été clôturé à la suite du décès de la personne protégée est sans incidence sur la nature de ce dossier, qui conserve son caractère judiciaire. La commission précise que, dans ce cas, elle n'est compétente pour émettre un avis que dans l'hypothèse d'une demande d'accès par dérogation, sur le fondement de l'article L213-2 du code du patrimoine. Elle comprend des éléments portés à sa connaissance que tel est le cas en l'espèce, Monsieur X ayant renouvelé sa demande initiale, sur le fondement de ces dispositions, le 27 juin 2022, sans obtenir de réponse.
La commission rappelle que les pièces couvertes par le secret de la vie privée sont soumises à un délai de communicabilité de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier en application du I de l'article L213-2 du code du patrimoine. Toutefois, les documents non encore librement communicables peuvent faire l’objet d’une autorisation de consultation par anticipation aux délais légaux de communicabilité, selon les dispositions de l’article L213-3 du code du patrimoine.
En l’espèce, la commission relève que le dossier de majeur protégé demandé en consultation par Madame X concerne une personne décédée en 2022. Elle relève également les liens familiaux entre la demanderesse et l'intéressée, le fait que l'intéressée avait, avant son décès, demandé elle-même communication de ces comptes, ainsi que l'accord de l'autorité dont émane ces documents. Elle relève enfin le fait que l'article 514 du code civil prévoit la remise par le tuteur aux héritiers de la personne protégée, dans les trois mois de la fin de sa gestion, de la copie des cinq derniers comptes en y joignant les pièces justificatives, et comprend que la demanderesse serait en droit d'obtenir ces documents de la tutrice de Madame X. Elle estime donc que la consultation anticipée de ces documents ne porterait pas une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger.
Elle émet donc un avis favorable à la demande, prend note de ce que les archives départementales traiteraient actuellement la demande, et invite le président du tribunal judiciaire de Dieppe à transmettre le présent avis au directeur des archives départementales de Seine-Maritime.