Avis 20224957 Séance du 22/09/2022
Monsieur X, pour l'Association X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 16 août 2022, à la suite du refus opposé par le maire d'Audenge à sa demande de copie, par courrier électronique ou par courrier, de la liste détaillée des biens immobiliers de la commune.
La Commission rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. ».
La Commission rappelle également que la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a ajouté un article L300-3 au code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel « Les titres Ier, II et IV du présent livre s'appliquent également aux documents relatifs à la gestion du domaine privé de l’État et des collectivités territoriales ». En vertu de ces dispositions, les administrations visées sont désormais tenues de communiquer les documents relatifs à la gestion de leur domaine privé, et la Commission est compétente pour se prononcer sur d'éventuels refus de communication concernant ces documents.
La Commission estime que la liste des biens immobiliers d'une commune, qu'elle existe en l'état ou qu'elle puisse être obtenue par un traitement automatisé d'usage courant, est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le maire d'Audenge a toutefois indiqué à la Commission que l'Association X lui avait adressé de nombreuses demandes de communication de documents administratifs et avait par ailleurs saisi à plusieurs reprises la CADA ainsi que le Défenseur des Droits, l'Association Anticor et le tribunal administratif. Ces démarches réitérées mettraient en difficulté la commune. La Commission estime que le maire doit, ce faisant, être regardé comme se prévaloir du caractère abusif de la demande.
Elle rappelle qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration : « L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ». Elle souligne que le caractère abusif doit être apprécié pour chaque demande, compte tenu d’éléments circonstanciés. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives.
Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La Commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent.
Par sa décision du 14 novembre 2018 ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La Commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupéry, n° 426623).
Comme elle l’a indiqué dans son avis de partie II, n° 20220207, du 17 février 2022, et ainsi que l’a confirmé le Conseil d’État (n° 449620, X, 17 mars 2022), la Commission estime dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public.
En l’espèce, la Commission prend note des nombreuses saisines et procédures initiées par l'Association X. A la lumière des principes exposés ci-dessus, il ne lui apparaît toutefois pas qu'en dépit de la faiblesse des moyens de la commune et des divergences existant entre la mairie et cette association, la demande, qui ne porte que sur un seul document, qui fait traditionnellement l'objet de demandes d'accès et dont l'intérêt pour le demandeur n'est pas contesté, puisse être, regardée, en elle-même, comme abusive.
La Commission émet, dès lors, un avis favorable et invite, toutefois, l'Association X à faire preuve de modération dans l’exercice du droit d’accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration, l’administration n’étant pas tenue de donner suite aux demandes présentant un caractère abusif.