Conseil 20224947 Séance du 22/09/2022

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 22 septembre 2022, votre demande de conseil relative à la qualification juridique des données cartographiques issues des plans de corps de rue simplifiée (PCRS) : 1) le PCRS constitue-t-il des données de référence ou, a minima, relève-t-il des informations dites « environnementales » et « publiques » (tenant compte des restrictions prévues par le code des relations entre le public et l'administration (CRPA) et le code de l'environnement) ? 2) pour quelle raison la Commission d'accès aux documents administratifs estime, dans son avis n° 20204991 du 7 janvier 2021, qu'un simple service de consultation d'un système d'information géographique en ligne n'est pas qualifiable de diffusion publique ? ; 3) au regard de la typologie des services définie à l'article L127-4 du code de l'environnement, la commission pourrait-elle préciser ce qui relève de la diffusion, de la publication et de la réutilisation ? La commission relève, à titre liminaire, que le plan corps de rue simplifié (PCRS) ou référentiel très grande échelle est un fond de plan de haute précision destiné à servir de support topographique échangeable et mutualisable pour satisfaire à la législation en vigueur, à savoir l’arrêté du 15 février 2012 en application du décret DT-DICT. Il a pour objectif de devenir le socle cartographique entre les gestionnaires de réseaux pour fiabiliser le repérage des réseaux enterrés sur le terrain par les entreprises travaux aussi bien en zone urbaine dense qu’en zone rurale. 1. S'agissant de la qualification des données cartographiques issues des plans de corps de rue simplifiée, au regard du droit d'accès : La commission rappelle, en premier lieu, que l'article L321-4 du code des relations entre le public et l'administration, créé par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, a investi l'État d'une mission de service public consistant à mettre à disposition les données de référence en vue de faciliter leur réutilisation, et a précisé que toutes les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 concourent à cette mission. Aux termes du II de cet article, sont des données de référence les informations publiques « qui satisfont aux conditions suivantes : 1° Elles constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes ; 2° Elles sont réutilisées fréquemment par des personnes publiques ou privées autres que l'administration qui les détient ; 3° Leur réutilisation nécessite qu'elles soient mises à disposition avec un niveau élevé de qualité. » Un décret, codifié à l'article R321-5 du code des relations entre le public et l'administration, dresse la liste des données de référence et désigne les administrations responsables de leur production et de leur mise à disposition. La commission note que les données cartographiques issues des plans de corps de rue simplifiée ne se rattachent à aucune catégorie de données définies par cet article. Elle en déduit qu'elles ne relèvent pas de la catégorie des données de référence. La commission rappelle, en second lieu, qu'il résulte des dispositions des articles L321-1 et L312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration qu'une information publique, au sens du droit à réutilisation, est une information produite ou reçue par une personne publique ou privée dans l'exercice d'une mission de service public, qui n'est couverte par aucun des secrets mentionnés aux articles L311-5 et L311-6 du même code (c'est-à-dire qu'elle est librement communicable à toute personne qui en fait la demande ou librement diffusable) et sur laquelle aucun tiers ne détient des droits de propriété intellectuelle. La commission précise, par ailleurs, qu'aux termes de l’article L124-1 du code de l'environnement : « Le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues, reçues ou établies par les autorités publiques mentionnées à l'article L124-3 ou pour leur compte s'exerce dans les conditions définies par les dispositions du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des dispositions du présent chapitre. » L'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; (….) ». Selon l’article L124-4 de ce code : « I. - Après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, l’autorité publique peut rejeter la demande d’une information relative à l’environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte (…) aux intérêts mentionnées aux articles L.311-5 à L. 311-8 du code des relations entre le public et l’administration, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° de l'article L. 311-5 (…) », au nombre desquels figurent « la sécurité publique » et « la sécurité des personnes ». La commission rappelle qu'elle considère, traditionnellement, que les plans et documents portant sur les réseaux et canalisations publics sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que, pour les informations environnementales qu'ils contiennent, en application de l'article L214-1 du code de l'environnement. Compte tenu de la sensibilité des informations pouvant figurer sur de tels plans, la communication intégrale des plans les plus détaillés est toutefois susceptible de présenter un risque d’atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes (avis de partie II, n° 20183380 du 25 octobre 2018). Tel est le cas, en particulier, des plans de réseaux électrique, de gaz et d'approvisionnement en eau potable. Toutefois, cet objectif de protection de la sécurité doit être concilié avec le principe de liberté d’accès aux documents administratifs. Dès lors, il ne peut légalement justifier un refus total de communiquer les documents demandés, ces documents devant faire l’objet d’une occultation des informations les plus sensibles. En outre, la commission estime que les plans d'eaux usées et pluviales sont, quant à eux, librement communicables à toute personne qui en fait la demande. Il en résulte que les données cartographiques issues des plans de corps de rue simplifiée ne pourront être analysées comme des informations publiques, au sens des articles L321-1 et L312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration qu'après occultation des mentions protégées et à condition que les tiers ne détiennent pas des droits de propriété intellectuelle sur elles. 2. S'agissant de la mise en ligne de ces données : La commission rappelle, s'agissant de la mise en ligne de ces données qu'en application de l'article L312-1-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des articles L311-5 et L311-6 et lorsque ces documents sont disponibles sous forme électronique, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 publient en ligne les données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental. En ce qui concerne les modalités de communication et de publication, la commission souligne qu'aux termes de l'article L312-1-2 du même code : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. / Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. / (...) ». La commission déduit de ces dispositions que, pour pouvoir faire l'objet d'une publication en ligne sur Internet par l'administration, un document administratif doit, au regard des mentions qu'il contient, être communicable à toute personne. Lorsque les règles qui s'appliquent à la communication du document incluent les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, il ne peut être procédé à la publication de ce document, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, que si son contenu respecte les secrets protégés par ces deux articles. Pour pouvoir faire l'objet d'une publication par l'administration, ce document doit, en outre, s'il comporte des données à caractère personnel, satisfaire aux conditions posées au deuxième alinéa de l'article L312-1-2. Il résulte de ces dispositions que des documents comportant des données personnelles ne peuvent être publiés en ligne que s'ils ont fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification des personnes intéressées ou dans les trois hypothèses suivantes : - si une disposition législative autorise une telle publication sans anonymisation ; - si les personnes intéressées ont donné leur accord ; - si les documents figurent dans la liste de l'article D312-1-3 du code des relations entre le public et l'administration, résultant du décret n° 2018-1117 du 10 décembre 2018, relatif aux catégories de documents administratifs pouvant être rendus publics sans faire l'objet d'un processus d'anonymisation, pris pour l'application de l'article L312-1-2 du même code précité. Il résulte de ce qui précède que les données cartographiques issues des plans de corps de rue simplifiée pourront être mises en ligne en application des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception toutefois des éléments dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique par les détails révélés sur la structure et les mesures ou dispositifs de protection de ces réseaux. 3. S'agissant des questions en lien avec les dispositions du chapitre VII du code de l'environnement : La commission relève qu'elle n'est pas compétente pour interpréter les dispositions du chapitre VII du code de l'environnement intitulé « De l’infrastructure d'information géographique » (L127-1 à 10), le 8° de l'article L342-2 du code des relations entre le public et l'administration l'ayant uniquement rendue compétente pour connaître des questions relatives aux chapitres III et IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement. Il ne lui appartient donc pas de se prononcer sur les obligations qui découleraient pour les administrations de ces dispositions, ni de se prononcer sur le point 3) de la demande de conseil. 4. S'agissant de la notion de diffusion publique, au sens de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration : La commission relève que vous l'interrogez sur la portée de son avis n° 20204991 du 7 janvier 2021. Elle rappelle, à cet égard, qu’en application du quatrième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, « Le droit à communication ne s'exerce plus lorsque les documents font l'objet d'une diffusion publique ». Elle ajoute que l'article L300-4 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : « toute mise à disposition effectuée sous forme électronique en application du présent livre se fait dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. » Aux termes de l’article 4 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique : « On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d'accès ni de mise en œuvre ». Elle relève, par ailleurs, que le référentiel général d'interopérabilité (RGI), prévu à l'article 11 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre autorités administratives, fixe les règles techniques permettant d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information et détermine notamment les répertoires de données, les normes et les standards qui doivent être utilisés par les autorités administratives. La version 2.0 du RGI a été publiée par arrêté du 20 avril 2016. La commission rappelle également sa doctrine constante selon laquelle il résulte de ces dispositions combinées que seule une mise en ligne, par l'administration ou sous son contrôle, et dans des conditions permettant d'en garantir la pérennité, d'un document administratif dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé dès lors qu'elle en dispose déjà ou qu'elle est susceptible d'en disposer à l'issue d'une opération de transfert, de conversion ou de reproduction courante, peut être regardée comme une diffusion publique au sens du quatrième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration (avis n° 20191393 du 17 octobre 2019 ; CE, 27 septembre 2022, n° 450737 et 450739). Elle retient, en particulier, que la mise en ligne de documents administratifs numérisés dans un format de type PDF image ne permettant ni la réutilisation et ni l'exploitation des données fournies par un système de traitement automatisé, ne saurait être regardée comme une diffusion publique (avis n° 20172552 du 21 septembre 2017 et 20195870 du 16 juillet 2020). En d'autres termes et ainsi qu'elle l'a estimé dans son avis n° 20204991, des données accessibles seulement par un service de consultation verrouillé à une échelle territoriale limitée ne peuvent être regardées comme ayant fait l'objet d'une diffusion publique au sens du quatrième alinéa de l'article L311-2 du même code dès lors que de telles données ne sont pas à proprement parler disponibles, c'est-à-dire téléchargeables et exploitables.