Avis 20224705 Séance du 22/09/2022

Madame X, pour l'association X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 29 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication des documents suivants concernant le nouveau dispositif d’aide juridictionnelle, pour lequel le ministère a usé de son droit de tirage afin d’obtenir le bénéfice de prestations de conseil pour un montant de 592 000 €, confié au cabinet X en 2019 : 1) l’avis d’appel public à la concurrence ; 2) le cahier des clauses particulières ou le cahier des clauses techniques particulières et le cahier des clauses administratives particulières ; 3) la liste des candidats admis à présenter une offre ; 4) le rapport de présentation du marché ; 5) le procès‐verbal d’ouverture des plis des candidatures ou des offres ; 6) le rapport d’analyse des offres comprenant les éléments de notation et de classement ; 7) le dossier de candidature ; 8) l’offre de prix globale ; 9) l’acte d’engagement ; 10) les bons de commande et factures ; 11) l’avis d’attribution du marché ; 12) la lettre de notification du marché ; 13) les rapports produits dans le cadre de la mission de prestation de conseil relative à la réforme de l’aide juridictionnelle ainsi que toute pièce résultant de l’exécution de la mission de conseil (bilan de réunions de cadrage ainsi que leur thème précis, préconisations, etc.) ; 14) le rapport de suivi de l’accord-cadre produit par l’acheteur public tout au long de la durée du contrat. En l'absence de réponse de l'administration à la date de sa séance, la Commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La Commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. En application de ces principes, la commission émet : - un avis favorable sur les points 1), 2), 3), 8), 11) et 12), sans réserve ; - un avis favorable sur les points 4), 5), 9), 10) et 14), sous réserve de l’occultation préalable des mentions relevant du secret des affaires ; - un avis favorable sur les points 6) et 7), en tant seulement qu’ils concernent l’attributaire, sous la réserve tenant au secret des affaires et, le cas échéant, s’agissant du dossier de candidature de l’attributaire (extrait K-Bis notamment), au secret de la vie privée. La Commission considère en revanche que ces documents, en tant qu’ils concernent les candidats non retenus, ne sont pas communicables aux tiers. S'agissant du point 13), la commission estime que les documents remis par l’attributaire d’un marché public dans le cadre de l’exécution du contrat sont des documents administratifs communicables au sens des articles L300-2 et L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, dès lors qu'ils ne revêtent plus un caractère préparatoire. Elle émet donc un avis favorable à la communication des documents sollicités, sous réserve de l'occultation des éventuelles mentions qui révèleraient un secret protégé par la loi en application des dispositions des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.