Avis 20224643 Séance du 22/09/2022

Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 26 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le directeur chargé des Archives de France à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, des documents conservés aux Archives départementales des Vosges sous les cotes suivantes : DDASS des Vosges - 143 W85-88 ; - 1064 W284 ; - 1106 W65. La commission, qui a pris connaissance des observations du directeur chargé des Archives de France, rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, selon le 2° du I de cet article, les documents dont la communication porte atteinte au secret médical ne deviennent librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé, porté à cent vingt ans à compter de la date de naissance de la personne en cause, si la date du décès n'est pas connue. En outre, selon le 3° du I du même article, les documents qui comportent des informations dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée ne deviennent librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier. La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’Etat a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En l'espèce, la commission prend note du fait que l'Agence régionale de santé Grand Est, dont l'accord est requis par les dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine, a implicitement rejeté sa demande d'autorisation d’accès par dérogation qui lui a été adressée. Elle relève, ensuite, que Madame X souhaite consulter, dans le cadre d'une recherche personnelle sur le parcours professionnel de son père, ancien aide-soignant à l'hôpital psychiatrique de Ravenel, à Mirecourt, les documents produits par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Vosges entre 1943 et 1976, conservés par les archives départementales des Vosges. Elle prend note de ce que les cotes 143 W 85 à 88, ne comportent aucun dossier attribué au père de la demanderesse. Ces dossiers ne comportant a priori pas de document pertinent en lien avec la recherche de Madame X, la commission estime, par suite, que la consultation anticipée est dans cette mesure de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. La commission a par ailleurs été informée de ce que les cotes 1064 W 284 et 1106 W 65 sont composées de documents relatifs au personnel du centre hospitalier de Ravenel Mirecourt et contiennent à ce titre des informations protégée au titre de la vie privée des intéressés ainsi que, pour ce qui relève de la commission de réforme, au titre du secret médical. Elle prend par ailleurs note de ce que compte tenu du volume de documents conservés dans ces deux articles, une extraction des éléments se rapportant au père de la demanderesse constituerait en l'espèce une charge de travail déraisonnable pour les archives départementales. La commission estime, toutefois, compte tenu de la qualité de la demandeuse et de l'objet de sa recherche, de l'engagement de réserve qu'elle a signé et, enfin, de la date de certains documents, que la consultation anticipée de ces deux dossiers ne porterait pas, en l’espèce, une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet donc un avis favorable à la demande, dans cette mesure.