Avis 20224539 Séance du 08/09/2022

Madame X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 juin 2022, à la suite du refus opposé par le directeur de l'Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris à sa demande de communication, par voie électronique (publication sur le site internet de l'institut ou envoi d'un lien de téléchargement par courriel), des vidéos des sessions de tests comportementaux (nage forcée, interactions sociales, activités locomotrices, etc.) réalisées dans le cadre des recherches relatées dans l'article scientifique sur l’effet antidépresseur des récepteurs dopaminergiques chez le rat, publié à https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0269881120959613. 1. Sur la qualification de document administratif : En l'absence de réponse du directeur de l'Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris à la date de sa séance, la commission rappelle qu'aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, (…), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». En l'espèce, la commission comprend des informations portées à sa connaissance que les enregistrements audiovisuels sollicités ont été produits par des agents de l'institut de psychiatrie et neurosciences de Paris, dans le cadre des activités de recherche de cette structure qui est placée sous la tutelle de l'université de Paris et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). La commission estime ainsi que ces documents, élaborés dans le cadre d'une activité de service public, revêtent le caractère de documents administratifs. 2. Sur le principe de communication : La commission relève, en premier lieu, qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l’article L311-2 du même code : « Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ». En application de ces dernières dispositions, la commission distingue deux types de documents : d'une part, les documents inachevés en la forme, tels que les ébauches, brouillons et versions successives d'un document, qui précèdent l'élaboration d'un document complet et cohérent, et qui ne peuvent pas être communiqués, seul le document achevé étant communicable le cas échéant ; d'autre part, les documents préparatoires, lesquels ont acquis leur forme définitive, mais dont la communication est subordonnée à l’intervention de la décision administrative qu'ils préparent. En l'espèce, d'une part, la commission, qui n'a pas pu prendre connaissance des enregistrements sollicités, comprend qu'ils n'ont pas vocation à être modifiés et qu'ils présentent une forme définitive. Par suite et alors même qu'ils ont ultérieurement servi à l'élaboration de travaux académiques, de tels enregistrements, qui ne consistent pas en une ébauche de ces travaux, ne sauraient être regardés comme des documents inachevés en la forme. D'autre part, la commission relève que ces enregistrements n'ont pas été élaborés en vue de préparer l'intervention d'une décision administrative. Dès lors, ils ne sauraient revêtir de caractère préparatoire. En deuxième lieu, la commission rappelle qu'en vertu de l’article L311-1 de ce code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ». Elle précise, d'une part, que les dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 du code précité font obstacle à la communication des documents administratifs dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. La commission rappelle que l'atteinte à la sécurité des personnes ne se présume pas mais doit être établie, compte tenu des circonstances propres à chaque cas d'espèce. Elle indique, d'autre part, qu’en application de l'article L311-6 du code, ne sont communicables qu'à l'intéressé les éléments qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, qui font apparaître un comportement d'une personne physique dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, ou dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée. La communication ne peut intervenir qu’après disjonction ou occultation des éléments qui porteraient atteinte à l’un de ces intérêts et sous la réserve qu’une telle disjonction ou occultation ne conduise pas à priver de son sens le document sollicité. Dans l'hypothèse où l'importance des occultations dénaturerait le sens d'un document ou priverait sa communication de tout intérêt, cette communication peut être refusée par l'autorité administrative auprès de laquelle le document a été sollicité en vertu de l'article L311-7 du même code. En l'espèce, la commission estime que les documents sollicités sont communicables à la demanderesse, sous ces réserves. La commission relève, en troisième et dernier lieu, qu'en vertu de l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique ». Elle précise, en outre, qu'il résulte toutefois de l’article L121-7-1 du code de la propriété littéraire et artistique que le droit de divulgation reconnu à l’agent public « qui a créé une œuvre de l’esprit dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues s’exerce dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d’agent et de celles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de la personne publique qui l’emploie ». Parmi ces règles, figurent celles du code des relations entre le public et l'administration qui imposent aux administrations de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent, sous réserve des articles L311 5 et L311-6 dudit code. Elle considère, dès lors, que le droit de divulgation dont dispose un agent public sur un document administratif ne saurait faire obstacle au droit d'accès prévu par le titre Ier du livre III de ce code. Elle en déduit qu'en principe, l'administration n'a pas à requérir l'autorisation préalable de l'agent public concerné ou le cas échéant de ses ayants droit, avant de procéder à la communication ou à la publication du document (conseil n° 20180226, du 17 mai 2018). Toutefois, le dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle exclut des dispositions de l’article L121-7-1 précitées « les agents auteurs d’œuvres dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique ». Ces agents disposent donc du droit de divulgation des œuvres dont ils sont les auteurs, dans les conditions prévues à l'article L121-2 du même code, ce droit patrimonial n’étant pas transféré automatiquement à l’administration. Il résulte de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l’administration, telles qu'interprétées par le Conseil d’État (CE, 8 novembre 2017, Association spirituelle de l’Église de scientologie, n° 375704), qu'avant de procéder à la communication ou à la publication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, il appartient à l'administration saisie de recueillir l'accord de leur auteur (conseil de partie II, n° 20180226, du 17 mai 2018). Par suite, lorsqu’un agent entrant dans le champ d’application du dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle détient des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en possession de l'administration, cette dernière doit requérir son autorisation préalable avant de procéder à la communication ou à la publication du document. Comme elle l'a fait dans son avis de partie I n° 20224541 inscrit à la même séance, la commission estime qu’entrent en principe dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle, les personnels de recherche des établissements publics à caractère scientifique et technologique qui, en vertu de l’article L411-3 du code de la recherche, jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions et de leurs activités de recherche. En l'espèce, et en l'absence de réponse de l'administration à la date de sa séance, la commission estime que les enregistrements sollicités, s'ils sont grevés de droits d'auteur et s'ils n'ont pas fait au préalable l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, ne pourront être communiqués à la demanderesse qu'avec l'autorisation de leurs auteurs. Elle émet, par suite, dans ces conditions et sous ces réserves, un avis favorable à la demande.