Avis 20224479 Séance du 08/09/2022
Madame X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 18 juillet 2022, à la suite du refus opposé par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à sa demande de communication du dossier complet de demande d’autorisation, transmis par le comité d’éthique, relatif au projet de « Modulation de la tVTA dans les troubles de l'humeur ».
En réponse à la demande qui lui a été adressée, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a informé la commission que certains éléments du dossier de demande d'autorisation sont publiés en ligne sur le site internet de la commission européenne. La commission en prend note mais relève que la publication ainsi opérée sur le site de la commission européenne ne répond que partiellement à la demande de Madame X. Elle en déduit que cette publication ne saurait s'apparenter à une diffusion publique au sens de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration rendant sans objet la présente demande de communication.
La commission relève, ensuite, que tout projet impliquant l'utilisation d'un animal dans le cadre d'une procédure expérimentale telle que définie par l'article R214-89 du code rural et de la pêche maritime fait l'objet, en vertu de l'article R214-117 de ce code, d'une évaluation éthique par un comité d'éthique en expérimentation animale, avant d'être soumis, dans les conditions définies par l'article R214-122 et hors le cas prévu par l'article R214-127 du même code, à l'obtention d'une autorisation par le ministre chargé de la recherche.
En l'espèce, elle estime que les documents sollicités, qui se rattachent à cette procédure d'évaluation éthique des projets expérimentaux, constituent des documents administratifs communicables dans les conditions définies par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.
Elle rappelle, en premier lieu, qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l’article L311-2 de ce code : « Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ». En application de ces dispositions, la commission distingue deux types de documents : d'une part, les documents inachevés en la forme, tels que les ébauches, brouillons et versions successives d'un document, qui précèdent l'élaboration d'un document complet et cohérent, et qui ne peuvent pas être communiqués, seul le document achevé étant communicable le cas échéant ; d'autre part, les documents préparatoires, lesquels ont acquis leur forme définitive, mais dont la communication est subordonnée à l’intervention de la décision administrative qu'ils préparent.
La commission comprend des informations portées à sa connaissance qu'en l'espèce, les documents sollicités sont achevés et ne revêtent pas un caractère préparatoire.
Elle observe, en second lieu, que cette demande ne peut être satisfaite que sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé.
Elle relève, à cet égard, d'une part, que l'autorité saisie lui a indiqué que les documents sollicités comportent des données personnelles couvertes par le secret de la vie privée. Elle en prend note et émet, dès lors, un avis favorable à la demande, sous réserve de l'occultation de ces mentions protégées.
Elle observe que l'administration se prévaut par ailleurs du secret des procédés, composante du secret des affaires, protégé par le 1° de l'article L311-6 du code précité. Elle rappelle qu'elle considère, de manière constante, que s'agissant des personnes morales de droit public chargées d'une mission de service public et dont l'objet principal n'est ni industriel, ni commercial, les documents administratifs produits ou reçus dans le cadre de leurs missions sont en principe intégralement communicables à toute personne, sans que puisse être opposé le secret des affaires et nonobstant le fait que leur activité s’inscrive dans un environnement concurrentiel (avis de partie II, n° 20210291). Elle estime, dès lors, que le secret des affaires ne peut pas utilement être invoqué en l'espèce.
La commission rappelle, enfin, qu'en vertu de l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique ».
Elle précise, en outre, qu'il résulte toutefois de l’article L121-7-1 du code de la propriété littéraire et artistique que le droit de divulgation reconnu à l’agent public « qui a créé une œuvre de l’esprit dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues s’exerce dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d’agent et de celles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de la personne publique qui l’emploie ». Parmi ces règles, figurent celles du code des relations entre le public et l'administration qui imposent aux administrations de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent, sous réserve des articles L311 5 et L311-6 dudit code. Elle considère, dès lors, que le droit de divulgation dont dispose un agent public sur un document administratif ne saurait faire obstacle au droit d'accès prévu par le titre Ier du livre III de ce code. Elle en déduit qu'en principe, l'administration n'a pas à requérir l'autorisation préalable de l'agent public concerné ou le cas échéant de ses ayants droit, avant de procéder à la communication ou à la publication du document (conseil n° 20180226, du 17 mai 2018).
Toutefois, le dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle exclut des dispositions de l’article L121-7-1 précitées « les agents auteurs d’œuvres dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique ». Ces agents disposent donc du droit de divulgation des œuvres dont ils sont les auteurs, dans les conditions prévues à l'article L121-2 du même code, ce droit patrimonial n’étant pas transféré automatiquement à l’administration. Il résulte de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l’administration, telles qu'interprétées par le Conseil d’État (CE, 8 novembre 2017, Association spirituelle de l’Église de scientologie, n° 375704), qu'avant de procéder à la communication ou à la publication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, il appartient à l'administration saisie de recueillir l'accord de leur auteur (conseil de partie II, n° 20180226, du 17 mai 2018). Par suite, lorsqu’un agent entrant dans le champ d’application du dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle détient des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en possession de l'administration, cette dernière doit requérir son autorisation préalable avant de procéder à la communication ou à la publication du document.
Comme elle l'a fait dans son avis de partie I n° 20224541 inscrit à la même séance, la commission estime qu’entrent en principe dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle, les personnels de recherche des établissements publics à caractère scientifique et technologique qui, en vertu de l’article L411-3 du code de la recherche, jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions et de leurs activités de recherche.
En l'espèce, et en l'absence de précision sur ce point, la commission estime que les documents sollicités, s'ils sont grevés de droits d'auteur et s'ils n'ont pas fait au préalable l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, ne pourront être communiqués à la demanderesse qu'avec l'autorisation de leurs auteurs.
Sous l'ensemble de ces réserves, la commission émet un avis favorable.