Avis 20224343 Séance du 08/09/2022

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le préfet de l'Essonne à sa demande de communication de la liste électorale départementale. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le préfet de l'Essonne a informé la commission qu'il s'opposait à la communication, à la demanderesse, de la liste électorale sollicitée en l’absence de légitimité du motif avancé par cette dernière, compte tenu du risque d'atteinte à la vie privée des personnes. La commission en prend note et rappelle les points suivants. Depuis le 1er janvier 2019, les dispositions des articles L28 et R16 du code électoral ont été remplacées par celles de l'article L37, issu de l'article 7 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales. L'article L37 dispose que : « Tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. / Tout candidat et tout parti ou groupement politique peuvent prendre communication et obtenir copie de l'ensemble des listes électorales des communes du département auprès de la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. » La commission rappelle tout d'abord que la communication des listes électorales est subordonnée à la condition que le demandeur fasse la preuve de sa qualité d'électeur. La commission estime, dans le silence des textes, que la preuve de la qualité d’électeur peut se faire par tout moyen, sans qu’il y ait lieu d’exiger la production d’un titre d’identité ou de la carte d’électeur. Elle considère qu’une attestation sur l’honneur peut suffire, dès lors que le demandeur produit les éléments permettant à l’administration de vérifier l’effectivité de son inscription sur une liste électorale, à savoir ses nom et prénom(s) et le nom de la commune où il allègue être inscrit. La commission rappelle ensuite que l'exercice du droit d'accès aux listes électorales est subordonné à l'engagement pris par le demandeur à ne pas en faire un usage commercial (cf. décision du Conseil d'État du 2 décembre 2016 n° 388979, au recueil), afin d'éviter toute exploitation commerciale des données personnelles. La commission considère dès lors que l'autorité compétente est fondée à rejeter la demande de communication dont elle est saisie s'il existe, au vu des éléments dont elle dispose, nonobstant l'engagement pris par le demandeur, des raisons sérieuses de penser que l'usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial. La commission considère que le caractère purement commercial ou non de l’usage des listes s’apprécie notamment au regard de l’objet de la réutilisation envisagée et de l’activité dans laquelle elle s’inscrit, la forme juridique retenue par le demandeur pour poursuivre cet objectif et l'existence ou l'absence de ressources tirées de cet usage constituant à cet égard de simples indices. A cet effet, la commission estime qu'il est loisible à l'autorité compétente de solliciter du demandeur qu'il produise tout élément d'information de nature à lui permettre de s'assurer de la sincérité de son engagement de ne faire de la liste électorale qu'un usage conforme aux dispositions de l'article L37 du code électoral. L'absence de réponse à une telle demande peut être prise en compte, parmi d'autres éléments, par l'autorité compétente afin d'apprécier, sous le contrôle du juge, les suites qu'il convient de réserver à la demande dont elle est saisie. Elle observe que le législateur a étendu l’exigence d’un engagement d’un usage conforme des listes électorales au code électoral aux candidats et groupements ou partis et que cet engagement porte sur l'absence d'usage « commercial », et non plus seulement d'usage « purement commercial ». La loi a également donné sa pleine portée à ce dispositif préventif en l’assortissant de mesures répressives, puisque l'usage commercial d'une liste électorale pourra désormais être puni d'une amende de 15 000 euros. La commission précise que la suppression de l'adverbe « purement » n'a pas pour effet de la conduire à infléchir ou modifier sa doctrine, dès lors qu'elle regarde déjà comme purement commerciales non seulement la commercialisation des listes elles-mêmes, le cas échéant après retraitement, mais aussi leur utilisation dans le cadre d’une activité à but lucratif, et qualifie également d’usage purement commercial, au sens de véritablement commercial, les usages mixtes qui peuvent en être faits (par exemple, pour l’organisation d’une consultation populaire sur le maintien de la licence d’armateur délivrée à une société d’exploitation de ferrys, conseil n° 20094400 du 22 décembre 2009), seules les activités non commerciales pour le tout, comme le démarchage politique (avis n° 20071983 du 24 mai 2007) ou des actions d’intérêt général (conseil n° 20064862 du 9 novembre 2006) échappant à cette qualification. La commission estime que les listes électorales ne peuvent pas non plus être communiquées à des généalogistes professionnels, dès lors que l’emploi des listes électorales, qui facilite la recherche des héritiers d’une succession dans le cadre des contrats de révélation conclus par les généalogistes professionnels, participe nécessairement à l’exercice de l’activité de ces derniers, qui présente un but exclusivement lucratif (conseil n° 20091074 du 2 avril 2009). La commission précise, enfin, que ces dispositions instituent un régime particulier et autonome de communication, de sorte que les exceptions au droit d’accès prévues par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas opposables à une demande présentée sur leur fondement. En l'espèce, la commission observe que Madame X, qui justifie de sa qualité d'électrice, a certifié ne pas formuler sa demande dans un but commercial. En effet, l'intéressée a d'abord indiqué, dans sa demande initiale, rechercher un proche. La commission considère, en l'état des informations portées à sa connaissance, qu'elle ne dispose pas d'élément suffisamment probant lui permettant de penser que l'usage de la liste électorale sollicitée risquerait de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial. Elle émet donc un avis favorable à la demande.